Présence contemplative au cœur du monde
Rien n’est bon comme le détachement de soi-même, rien n’est déplorable comme la paresse spirituelle, j’en sais quelque chose---------Offrez-vous tous les matins et ne vous reprenez pas dans la journée---P. François Picard///////Il y a toujours à supporter, et tout le monde fait supporter. Il faut savoir se supporter mutuellement avec beaucoup de bonté, de patience, mais en même temps d'austérité de langage, avec l'affection des personnes données à Dieu---------- Je voudrai que pour nous prière et acte d’amour fussent synonymes----Mère Isabelle

Le Sacré-Coeur de Jésus, un abrégé des mystères divins

SACRED HEART

La spiritualité du Cœur de Jésus constitue un formidable résumé de la foi chrétienne. Elle offre une voie privilégiée pour comprendre et vivre toutes les richesses de l’amour divin.

Grâce à la dévotion au Cœur de Jésus, nous embrassons d’un seul regard les quatre points cardinaux de la foi chrétienne : Dieu-Trinité, la personne du Sauveur, l’événement pascal et enfin la réalité mystique de l’Église. Cultivée avec fidélité, cette dévotion aux richesses inépuisables fait grandir l’amitié avec Jésus.

C’est l’incarnation de la Parole de Dieu en Jésus-Christ qui nous a révélé le mystère de la Trinité. Si le Verbe ne s’était pas fait chair, jamais les hommes, avec leur simple raison, n’auraient deviné que Dieu est un en trois Personnes. Le mystère de l’Incarnation nous révèle que l’un de la Trinité s’est fait homme. Jésus est à la fois Dieu et homme. Qu’est-ce que cette proposition théologique implique pour la dévotion à son Sacré Cœur ? Au XIIIe siècle, saint Bonaventure, le célèbre théologien franciscain, affirmait que la blessure visible de l’amour, à savoir le cœur transpercé de Jésus, manifestait la blessure invisible de l’amour. Autrement dit, à travers le cœur de chair de Jésus transparaissait une réalité invisible. Et cette réalité est d’ordre divin pour la raison que Jésus est le Fils de Dieu incarné.

Deuxième personne de la Trinité, égal au Père et à l’Esprit, Jésus nous a aimés avec son cœur humain comme Dieu aime. Ne faisant qu’un avec son Père, son cœur fait signe en effet vers la réalité invisible de toute la Trinité. Jésus nous aime avec la même intensité que son Père. Aussi, en tant que symbole de son amour divin, son Sacré Cœur dévoile-t-il la nature intime de Dieu qui est Amour. Le Cœur transpercé ouvre sur les abîmes insondables de la vie intime de la Trinité.

Dans ce Cœur sont donc renfermées toutes les richesses de l’Amour divin. Une spiritualité du Cœur de Jésus qui ne remonterait pas jusqu’à la source divine paternelle de la miséricorde et qui ne ferait aucune mention de l’Esprit, symbolisé par l’eau coulant du côté transpercé de Jésus en croix, ne prendrait pas toute la mesure de la miséricorde divine dont est porteuse cette spiritualité. Jésus ne nous a pas aimés seulement affectivement et charitablement, mais aussi divinement C’est pourquoi la spiritualité liée au Sacré Cœur touche à la révélation de la véritable nature du Dieu trinitaire : l’Être absolu est Amour.

Un triple amour en Jésus

En second lieu, le Sacré Cœur nous révèle l’identité de Jésus. La théologie a déduit celle-ci de la qualité de son amour. De même que le peuple juif a découvert l’identité de Dieu à travers la libération d’Égypte, de même la théologie chrétienne a compris qui était Jésus d’après sa façon de nous aimer, c’est-à-dire d’après son Cœur — même si elle ne l’a pas explicité initialement avec le terme de « cœur ». Le cœur permet en effet de mieux comprendre la double nature du Christ. Examinons la chose plus en détail.

Dieu fait homme, Jésus a aimé selon trois modes : affectivement, charitablement (la charité ayant été infusée dans son âme par Dieu, à l’instar des bienheureux, mais à une puissance qu’ils ne connurent jamais) et divinement. C’est cette triple dimension de l’amour du Christ que la spiritualité du Sacré Cœur permet d’appréhender dans toute son étendue. En effet, le Cœur de Jésus est le lieu où s’entrelacent amours humain et divin. En lui ont été consommées les noces du ciel et de la terre, puisque le ciel consiste pour les hommes à aimer comme Dieu aime.

Le Sacré Cœur, où se rencontrent les trois façons d’aimer de Jésus, est le centre à partir duquel s’unifient l’amour divin et l’amour humain. D’un côté, en ce Cœur, l’homme aime parfaitement Dieu et ses frères. Et d’un autre côté, en ce même Cœur, Dieu, dans la personne du Fils éternel, se livre aux hommes d’une façon incompréhensible et inimaginable ! Ainsi, le Sacré Cœur nous met devant les yeux les implications de la double nature du Christ, à la fois divine et humaine.

Le Cœur de Jésus nous révèle à nous-mêmes : nous sommes les destinataires de la dilection divine et capables, en notre frère aîné, d’aimer de façon divine. Et en même temps, il porte au jour l’intensité de l’Amour que Dieu nous porte. Double révélation : de notre dignité et de la qualité de l’amour divin pour nous, puisque le Cœur de Jésus bat au même rythme que celui du Père. Comme on le voit, l’identité de Jésus, envisagée à partir de son Cœur, nous délivre de nombreux enseignements sur le mystère de la foi.

Un Cœur qui aime jusqu’à l’extrême

Sacré-Coeur

Après Dieu et la personne du Christ, le Sacré Cœur porte notre attention sur l’événement qui a décidé de notre salut : la Pâque de Jésus. C’est le troisième point cardinal de la foi. La spiritualité du Cœur de Jésus n’est pas née de considérations sur le support organique de l’affectivité du fils de Marie, mais d’un événement : le coup de lance du soldat qui perça le côté du Crucifié du Golgotha (Jn 19, 34) :

Mais un des soldats avec sa lance lui perça le côté, Et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau. L’épisode est tellement important pour l’évangéliste que celui-ci engage son témoignage solennel dans la relation du fait.

Or, dans ce « côté », la Tradition a toujours identifié le cœur de chair du supplicié. C’est son ouverture par la lance du soldat qui a déclenché la dévotion au Sacré Cœur. Certes, l’évangile de saint Jean mentionne le disciple bien-aimé penché dans le « sein » de Jésus dès le dernier repas. Il s’agit déjà d’une référence à son cœur. Cependant, la révélation du mystère du Cœur du Christ n’atteint sa plénitude que sur la Croix. C’est là que ce Cœur a aimé jusqu’à l’extrême (Jn 13,1), jusqu’à la mort, là qu’il devient véritablement l’objet de la dévotion et de l’adoration des croyants.

Le Cœur transpercé fournit en effet la clé de compréhension définitive de la Pâque du Fils. « Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé », disait le prophète Zacharie. Saint Jean rapporte cette prophétie en l’appliquant à l’événement du Golgotha. Oui, les hommes n’en finiront jamais de contempler le côté ouvert de Jésus dans lequel éclate la révélation définitive : Dieu est Amour ! Voilà pourquoi le culte du Cœur de Jésus n’est pas une dévotion facultative. Grâce à elle, nous goûtons comme il le mérite le mystère de notre salut en mesurant ce qu’il en a coûté à Dieu de nous extraire de la nasse du péché et de la mort. La Rédemption apparaît dès lors sous son véritable jour, à savoir comme la manifestation de l’Amour le plus extrême, un Amour prêt à tout pour nous sauver, prêt à toutes les audaces, à toutes les folies. La dévotion au Sacré Cœur n’est pas une eau tiède pour croyants confortablement « installés » !

Le Cœur d’où naît l’Église

Enfin, quatrième point cardinal de la foi que la spiritualité du Sacré Cœur nous permet d’approcher : la réalité de l’Église. Celle-ci est l’épouse que Jésus s’est acquise dans sa Pâque. De même qu’Ève fut tirée du côté d’Adam endormi, de même l’Église est issue du côté transpercé de Jésus, tandis qu’il dormait du sommeil de la mort sur la Croix. L’Église naît des sacrements du baptême et de l’Eucharistie. Or le sang et l’eau, sortis du côté ouvert de Jésus, sont la source de ces deux sacrements.

L’Église est née sur la Croix. Car avant d’être une institution, elle est d’abord une réalité mystique. C’est à cette dimension mystique de la société ecclésiale que la dévotion du Sacré Cœur permet d’accéder. Vue à travers le prisme du Sacré Cœur, l’Église apparaît comme l’assemblée qui désire rendre amour pour amour à Celui qui est mort et ressuscité pour elle. Ainsi que le disait sainte Thérèse de Lisieux, le centre de l’Église réside dans son cœur — et un cœur uni au Cœur de son Époux.

Jean-Michel Castaing | Aleteia