Miséricorde
Le mot miséricorde vient de deux mots latins qui veulent dire « misère » et « cœur« . Dieu fait miséricorde aux hommes, car il ouvre son cœur à toutes nos misères.
L’épisode de Nicodème (Jn3, 14-21) vient nous rappeler la profondeur de la miséricorde de Dieu, l’heure est venue pour le sage Nicodème de goûter à cette miséricorde. Cette éminente autorité juive venue rencontrer Jésus en catimini, sera profondément touchée et séduite par cette indicible miséricorde. Alors s’ouvre pour lui le chemin de vie nouvelle, de la nouvelle naissance. Nicodème aime écouter les enseignements de Jésus. Nicodème va prendre la défense de Jésus au moment où les pharisiens vont le malmener (Jean 7, 45-51). Enfin, Nicodème sera présent aux côtés de Jésus lors de la descente de croix et la mise au tombeau (Jean 19,39-42).
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Nicodème et nous
Nicodème est cet homme qui nous représente : il sait tout, mais il ne sait rien et fait comme tout le monde. Éclairé par Jésus, il accepte de passer des ténèbres à la lumière, il se découvre une âme personnelle, capable d’une réflexion originale et d’une décision libre.
Notre vie chrétienne est tissée d’ombres et de lumières. Dans l’épreuve, si nous ne réagissons pas ouvertement en nous demandant « qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu ? » nous interprétons spontanément nos épreuves comme des signes d’éloignement du Seigneur, qui provoquent sa colère, et nos prospérités comme des manifestations en retour de sa miséricorde. Cette relecture légitime de notre vie, conforme à une ébauche de la foi encore formelle - présente dans les sages réflexions des chroniques – ne fait pas l’unité de notre vie dans le désir de communion avec Dieu.
Nicodème - ce savant et pieux juif - vient vers Jésus pour le suivre et communier à sa Vie. Nous pressentons que la grâce d’être chrétiens est une nouvelle naissance, une con-naissance de ce qu’est la vie éternelle d’union avec le Christ : juger en vérité, aimer, se donner pour passer avec Jésus des ténèbres de la mort à la lumière de la résurrection.
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Nicodème : la lumière et la nouvelle naissance
A Nicodème, qui l’interroge sur la nouvelle naissance, Jésus exprime l’accomplissement de sa vie et de sa mission, ainsi que la nôtre, à travers l’image de l’élévation. Cette image de l’élévation accompagne à travers toute la Bible la rencontre de Dieu, et libère ceux qui communient avec lui.
Il nous faut, avec Nicodème, choisir de sortir de la nuit ! Le suivre dans son pèlerinage, dans sa Pâque, des ténèbres à la lumière, il nous faut d’abord reconnaître l’obscurité dans laquelle nous vivons. Qui marche seul dans la nuit, loin de tout éclairage, sait bien qu’en réalité la nuit lui est extérieure. Mais plus le temps passe, plus la nuit lui devient intérieure, s’insinue en lui comme une angoisse diffuse jusqu’à devenir oppressante. C’est là notre condition de chrétiens dans un monde qui ne l’est plus : les structures de péché nous environnent, nous enveloppent et finissent par contaminer les cœurs les mieux disposés. À force de respirer l’atmosphère délétère du temps, nous suffoquons.
Nicodème est venu voir Jésus de nuit. Ce n’est pas un hasard. Il est dans l’obscurité de l’ignorance alors qu’il se croit savant. L’obscurité du péché alors qu’il se croit juste. En cela, il nous ressemble et nous représente, et non plus seulement le peuple juif. Avec Nicodème, il faut choisir de sortir de la nuit, c’est-à-dire nous désolidariser de ce que le monde nous propose de mensonges, de crimes, de tentations, de relativisme.
Le serpent de bronze et la Croix de Jésus
Mais la vision d’élévation de l’accès au Dieu vivant traverse chez Isaïe la nuée obscure de la déréliction du Serviteur souffrant. C’est ce chemin que Jésus indique à Nicodème, comme celui qu’il doit prendre et qu’il lui propose comme à nous, pour nous établir dans la communion avec Dieu. Lors de la pâque des Hébreux et la traversée du désert, des serpents venimeux les faisaient mourir. Dieu demande à Moïse « d’élever un serpent de bronze sur un poteau et tous ceux qui le regardaient étaient guéris ». Identifier le mal, le regarder en face est déjà un contre-poison, un chemin de guérison.
Jésus, le Fils de l’Homme accepte d’être élevé sur la Croix – les bras ouverts, reliant terre et ciel – pour qu’en ce que nous lui infligeons nous identifions notre mal, notre orgueil, notre violence, notre refus de l’amour, que nous défigurons. « Ils regarderont vers Celui qu’ils ont transpercés ».
Car Jésus croit qu’en le regardant élevé sur la Croix, nous y verrons aussi notre remède : le contre-poison de son obéissance, de sa miséricorde, de son pardon qui reflètent l’infinie tendresse du Père qui nous guérit. Dans l’angoisse de la perspective de la Croix, Jésus reçoit du Père l’assurance d’accomplir par son obéissance la mission de révéler pleinement la gloire, l’être même de Dieu qu’il reçoit du Père : « Quand vous aurez élevé le Fils de l’Homme, alors vous comprendrez que JE SUIS » (Jn 8,28) ; l’assurance aussi d’être dans sa Pâque le chemin vers Dieu : « Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes » (N 12, 32),
Regardons longuement vers le crucifié : nous y apprendrons la science de la Croix. Le Seigneur nous rejoint dans son mystère pascal, que nous célébrons jusqu’à ce qu’il vienne, et nous sauve aujourd’hui pour participer déjà à sa vie éternelle de Ressuscité.
C’est la foi que nous partage St Paul : « Dieu est riche en miséricorde ; à cause du trop grand amour dont il nous a aimé, nous a fait revivre avec le Christ, avec lui il nous a ressuscités. Jésus, Fils de l’Homme et Fils de Dieu, élevé auprès du Père au-dessus de tout nous donne de communier à son élévation sur la croix et dans la gloire du Père comme ses filles et fils adoptifs, dans la lumière et l’amour de l’Esprit-Saint.