Pour se préparer à vivre la fête de Pâques, les chrétiens sont invités à entrer au désert, quarante jours durant, à la suite du Christ. Comment jeûner, prier ou partager avec notre prochain pendant le carême? Voici quelques pistes pour nous aider à vivre le carême, temps de conversion et de retraite spirituelle.

Quel est l’objectif du carême ?
Le carême – du latin quadragesima dies, « le quarantième jour » – est la période qui, dans l’Eglise catholique, conduit à la fête de Pâques, célébration de la mort et de la résurrection du Christ. Elle a pour objectif essentiel de nous préparer spirituellement à vivre cette fête qui plonge chaque année les chrétiens dans ce qui est le coeur de leur foi : Jésus, le Fils unique de Dieu fait homme, a vaincu le mal, le péché et la mort en mourant sur la croix par amour des humains, dépassant ainsi le mal en l’assumant jusqu’au bout. Sa résurrection manifeste le victoire de la vie et de l’amour sur la mort, et inaugure la résurrection de toute l’humanité en Dieu.
Cette préparation spirituelle qu’est le carême se présente comme une retraite spirituelle de quarante jours.
A quand remonte la pratique du carême ?
Les chrétiens sont invités à se préparer à vivre cette Pâque du Christ par la conversion et la « pénitence », c’est-à-dire en se décentrant d’eux-mêmes pour s’ouvrir à Dieu et aux autres à travers le jeûne, la prière et le partage (voir ci-dessous).
L’existence du carême dans les communautés chrétiennes est établie à partir du IIIe siècle, mais remonte sans doute au IIe siècle. Durant cette période, il est pratiqué les jours qui précèdent immédiatement la fête de Pâques.
C’est au VIIe siècle que la période de quarante jours – d’où le mot « carême », qui renvoie au « quarantième jour » – est instituée.
Pourquoi le carême dure-t-il quarante jours ?
Le carême commence par le mercredi des cendres et se termine le Jeudi saint, avant la célébration de la Cène du Seigneur. cette période de quarante jours ne comprend pas les dimanches, où l’on continue de célébrer la résurrection du Seigneur.
Alors Jésus fut conduit par l’Esprit au désert, pour être tenté par le diable. Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il finit par avoir faim. Matthieu 4, 1-2
Tout comme Jésus est demeuré au désert quarante jours durant, et Moïse avant lui, les chrétiens sont appelés, pendant le carême, à suivre spirituellement Jésus au désert. En apprenant à se détacher de certaines habitudes, à vivre une forme de sobriété, ils se rendent ainsi plus libres pour rencontrer Dieu, en particulier dans la méditation et la prière.
Et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi: écoutez-le ! » Évangile selon Saint Luc
Au cours de cette période, on fait l’expérience de nos faiblesses, de nos limités, de nos attachements, ce qui peut entraîner une forme de combat spirituel. Différentes formes de jeûne ont pour objectif de nous entraîner au détachement, de nous même, pour laisser davantage de place dans nos vie à Dieu et aux autres. Le partage nous aide également à renoncer à notre égoïsme.
Moïse fut donc là avec le Seigneur, quarante jours et quarante nuits. Il ne mangea pas de pain ; il ne but pas d’eau. Et il écrivit sur des tables les paroles de l’alliance, les dix paroles.
Exode 34, 28
Comment vivre « son » carême ?
Depuis ses origines et sous les différentes formes qu’il a prises, le carême a connu différentes « règles » au cours du temps. Trois piliers sont cependant toujours restés au cœur des différentes pratiques : le jeûne, la prière et l’aumône ou le partage.
🍽 Le jeûne
La pratique du jeûne en temps de carême a évolué au cours du temps. Au IIIe siècle, il s’agissait de jeûner les quelques jours précédant Pâques. A partir du VIIe siècle et de l’institution des « quarante jours », les chrétiens se devaient se contenter d’un repas par jour, et jeûner intégralement les Vendredi et Samedi saints.
Aujourd’hui, l’Eglise invite les fidèles à jeûner le mercredi des Cendres et le Vendredi Saint et celui de l’abstinence chaque vendredi.

En quoi consiste le jeûne ?
Le jeûne consiste à manger un seul repas pendant la journée, en le complétant éventuellement par une alimentation frugale le matin et le soir. On est aussi inviter à le pas manger entre les repas, sauf en cas de maladie.
L’ascèse est une réalité qui nous fait peur. Nous n’avons pas l’habitude de nous priver même si, aujourd’hui chez nous, beaucoup de nos concitoyens vivent dans des conditions précaires et connaissent l’inquiétude du lendemain. Certes, l’Eglise nous rappelle certains actes pénitentiels significatifs : manger moins chaque vendredi ; jeûner (au moins pour un repas) le mercredi des Cendres et le Vendredi Saint ; maîtriser nos instincts.
Mais surtout, elle attire notre attention sur l’importance de notre style de vie. S’inspire-t-il du Christ et des encouragements de l’Eglise ou bien, sous prétexte de modernité, s’inspire-t-il des complicités subtiles avec la mode, les mondanités et le péché ? Avec tous nos frères chrétiens, mais aussi avec tous ceux qui souffrent de la faim, d’un manque de liberté ou de dignité, avec tous ceux pour qui la vie quotidienne est une ascèse imposée, entrons dans ce jeûne du Carême comme dans le bain d’une nouvelle naissance.
Les règles du jeûne ne doivent pas être perçues comme des contraires, mais comme des balises pouvant nous aider à entrer dans l’esprit du carême, qui est de nous préparer à Pâques en laissant plus de place à Dieu, véritable nourriture, dans notre vie.
Il faut vous mettre à l’œuvre pour obtenir non pas cette nourriture périssable, mais la nourriture qui demeure en vie éternelle, celle que le Fils de l’homme vous donnera. Jean 6, 27a
Outre la viande les vendredis de carême (ou pendant toute l’année), on peut bien sûr également s’abstenir d’autres aliments : oeufs, chocolat, biscuits, en fonction de notre motivation ou de nos attachements. On peut bien sûr également jeûner d’autres choses qui peuvent nous encombrer : téléphone, télévision, médias sociaux, bref les écrans de manière générale.
A côté de choses bonnes en soit, mais dont on choisit de se détacher, il y a aussi le fait de s’abstenir de certaines mauvaises habitudes, telles la médisance, le bavardage inutile…
Il faut vous mettre à l’œuvre pour obtenir non pas cette nourriture périssable, mais la nourriture qui demeure en vie éternelle, celle que le Fils de l’homme vous donnera. Jean 6, 27a
🙏 La prière
Alors que nos vies sont souvent stressantes, surmenées, encombrées, la période de carême est un temps propice pour faire le silence, en nous et à l’extérieur de nous. Le silence permet de nous ouvrir à la Présence de celui qui nous aime, que l’on peut accueillir de façon privilégiée dans la prière silencieuse.
Cette prière est une forme de méditation, dans laquelle on peut entrer par la lecture des évangiles ou d’autres textes bibliques, à travers la vie d’un saint ou tout autre écrit spirituel. L’objectif de cette méditation est de nous rendre disponible à l’action de Dieu en nous, à l’intimité avec Lui. Par la méditation, nous apprenons à participer à la vie même de Dieu, à devenir filles et fils de Dieu avec le Fils unique, dans l’Esprit d’amour.
Si possible, il est important de prendre un temps de prière quotidien, et un temps de prière plus long à certains moment de la semaine. Un temps de retraite en silence, dans un monastère par exemple, peut également porter des fruits spirituels.

Il faut passer par le désert et y séjourner pour recevoir la grâce de Dieu ; c’est là qu’on se vide, qu’on chasse de soi tout ce qui n’est pas Dieu et qu’on vide complètement cette petite maison de notre âme pour laisser toute la place à Dieu seul. C’est indispensable… C’est un temps de grâce, c’est une période par laquelle toute âme qui veut porter des fruits doit passer. Il faut ce silence, ce recueillement, cet oublie de tout le créé, au milieu desquels Dieu établit son règne et forme en elle l’esprit intérieur. Bienheureux Charles de Foucauld
💝 Le partage
Le troisième pilier du carême est le partage avec les autres, de manière concrète. En particulier avec les plus pauvres.
Ce partage, cette aumône, peut passer par le soutien à l’une ou l’autre association, dont l’objectif nous tien à coeur. Nous pouvons également donner de notre temps, dans un engagement bénévole par exemple, ou, tout simplement, en rendant visite à une personne seule, malade ou en difficulté.
Ces formes concrètes de partage nous aident à vivre concrètement le deuxième commandement, celui de l’amour du prochain. Elles nous aident à reconnaître le visage du Christ dans les personnes les plus fragiles ou les plus précarisées.
En nous détournant de nous-même, ces gestes de gratuité font également la place à Dieu.

Chaque fois que l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. Matthieu 25, 40
Pour (ne pas) conclure
Si les « règles du carême » peuvent réellement nous aider à vivre ce temps de grâce, ils ne doivent en aucun cas être considéré comme des objectifs à atteindre pour eux-mêmes… Ils ne sont que des moyens mis à notre disposition. le but de toute « ascèse » est de nous rendre disponibles à Dieu. A sa présence, à son agir en nous que l’on appelle « grâce ». Aussi, le carême est un temps de grâce avant tout.
Si carême peut impliquer des efforts, les différentes formes de jeûne ne doivent pas se transformer en recherche de la performance – « J’y suis arrivé ! » -, contraire à l’esprit de ces quarante jours qui doivent plutôt nous amener à lâcher prise face à nos faiblesses, non limites, nos incapacités. A faire confiance à Dieu qui déploie sa force dans notre faiblesse, qui nous ressource en faisant jaillir la résurrection au coeur de nos morts.