Jésus montre en exemple une pauvre veuve qui donne tout ce qu’elle a pour vivre, tandis que les autres ne donnent que le superflu dont ils n’ont pas besoin. Un enseignement sur ce qu’est la vraie charité. Partageons la parole de Dieu avec le frère Norbert, prémontré de l’abbaye Saint-Martin de Mondaye
L’Évangile (Mc 12, 38-44)
En ce temps-là, dans son enseignement, Jésus disait aux foules : « Méfiez-vous des scribes, qui tiennent à se promener en vêtements d’apparat et qui aiment les salutations sur les places publiques, les sièges d’honneur dans les synagogues, et les places d’honneur dans les dîners. Ils dévorent les biens des veuves et, pour l’apparence, ils font de longues prières : ils seront d’autant plus sévèrement jugés. »
Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait comment la foule y mettait de l’argent. Beaucoup de riches y mettaient de grosses sommes. Une pauvre veuve s’avança et mit deux petites pièces de monnaie. Jésus appela ses disciples et leur déclara :
« Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le trésor plus que tous les autres. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. »
Comprendre
Au temps de Jésus, les veuves étaient très démunies, puisqu’elles ne pouvaient plus compter sur la protection d’un mari, chargé d’assurer leur subsistance. Elles vivaient donc dans une grande précarité et se trouvaient dépourvues de tout statut social. Quand le remariage ou le concubinage n’étaient pas possibles, une dernière voie de recours s’offrait à elles : elles pouvaient trouver refuge dans le Temple. C’était le cas d’Anne, qui dans l’évangile de Luc, assiste à la présentation de Jésus, dont il nous est dit que « restée veuve, (…) elle ne s’écartait pas du Temple » (Lc 2, 37). À l’inverse, les scribes sont des gens savants et puissants. Ils sont ceux qui scrutent les Écritures et s’érigent en maîtres de leur interprétation.
La situation respective des veuves et des scribes a pour effet de donner du relief à l’évangile de ce dimanche : les deux paroles de Jésus renversent l’ordre établi, dans la mesure où ne sont pas premiers ceux que l’on croit. Les vêtements d’apparat, les salutations sur les places publiques, les sièges et les places d’honneur ne sont rien en regard des deux piécettes de la veuve, qui « a mis dans le Trésor plus que tous les autres ». Gageons que le « plus » en question, c’est le don librement consenti de sa vie : les scribes prennent et s’arrogent, la veuve donne et s’offre.
Méditer
La première lecture et l’Évangile nous font rencontrer deux femmes, qui ont en commun d’être veuves. L’une et l’autre ont également en commun d’être si pauvres qu’elles n’ont pas de nom : nous savons seulement que la première habite Sarepta et que la seconde est de Jérusalem ; la première ramasse du bois pour vivre, la seconde voit ses biens dévorés par les scribes. L’une et l’autre ont cependant en commun de donner le peu qu’elles ont. La veuve de Sarepta nourrit Élie, la veuve de Jérusalem verse sa misérable fortune dans le tronc du Temple.
L’une et l’autre ont donc en commun de vivre la charité. Et l’une et l’autre ont en commun de recevoir une promesse de bénédiction : la jarre de farine de la veuve de Sarepta ne s’épuisa pas et son vase d’huile fut toujours plein ; Jésus voit que la veuve de Jérusalem offre son nécessaire. À l’une et à l’autre s’applique certainement cette sentence de la lettre aux Hébreux : « Le Christ apparaîtra une seconde fois, non plus à cause du péché, mais pour le salut de ceux qui l’attendent. »
Sans doute ces deux histoires sonnent-elles comme une invitation à scruter la manière dont nous donnons : le défi n’est pas tant de donner beaucoup que de bien donner. Car la manière dont je donne est l’image du don que je fais librement de moi-même. Ainsi, quand je glisse mon offrande dans le panier de quête (si tant est que j’y pense), je suis invité à me souvenir que la quête est un geste liturgique, qui signifie la participation de toute l’assemblée à l’eucharistie. C’est pourquoi nous faisons la quête au moment de l’offertoire : voilà, Seigneur, ce que je t’offre ; voilà, Seigneur, l’offrande de ma vie, que je veux aussi déposer sur ton autel pour participer de ta Résurrection.
Ce faisant, nous ne mettons pas seulement nos pas dans ceux des deux veuves de ce jour, mais nous suivons plus résolument le Christ Jésus, qui a librement fait pour nous l’offrande de sa vie.
Prier
Seigneur Jésus,
Tu nous invites à donner le peu que nous avons,
Tu nous appelles à nous offrir librement,
À ta suite.
Seigneur Jésus,
Nous savons que nombreux sont ceux qui, dans l’Église, ont pillé leurs frères,
Ils se sont accaparé la richesse de leur cœur et de leur corps, prenant et brisant plutôt que donnant et offrant,
Ils ont opprimé des hommes, des femmes, des enfants.
Seigneur Jésus,
Nous ne pouvons que contempler ceux qui ont souffert d’abus,
Nous les regardons verser leur obole dans le Temple,
Et nous t’entendons leur dire qu’ils ont donné plus que tous les autres.