Présence contemplative au cœur du monde
Rien n’est bon comme le détachement de soi-même, rien n’est déplorable comme la paresse spirituelle, j’en sais quelque chose---------Offrez-vous tous les matins et ne vous reprenez pas dans la journée---P. François Picard///////Il y a toujours à supporter, et tout le monde fait supporter. Il faut savoir se supporter mutuellement avec beaucoup de bonté, de patience, mais en même temps d'austérité de langage, avec l'affection des personnes données à Dieu---------- Je voudrai que pour nous prière et acte d’amour fussent synonymes----Mère Isabelle

Et comment Dieu peut-il tout pardonner ?

Pardon, Renouveau

Un fils demanda à son père sa part d’héritage et partit au loin (ce faisant, il le tuait donc symboliquement deux fois). Puis, après avoir dépensé tout cet argent, il se retrouva seul, triste. Dans la souffrance, il rentra en lui-même ; il se souvint alors de la vie chez son père. Il décida de rentrer, mais il ne s’estimait plus digne d’être appelé son fils.

Quel étonnement quand il découvrit que son père non seulement l’accueillait mais l’attendait avec jubilation : lui qui s’excluait, le père n’avait cessé de l’inclure dans son amour. Il était depuis toujours déjà pardonné. « Dieu montre sa puissance surtout en pardonnant et en faisant miséricorde », dit une prière de la messe.

Dieu veut donc tout pardonner. Mais peut-il tout pardonner ?

Même les péchés répétitifs ? Une parabole rabbinique raconte que, lorsque l’homme pèche, il rompt le fil qui le relie à Dieu ; s’il demande pardon, le fil est renoué. Or, un fil brisé et renoué se raccourcit. La leçon, toutefois, n’est pas : plus je pèche, plus je me rapproche de Dieu, mais : plus je demande pardon, plus Dieu s’approche de moi. Ce qui demande de ne jamais désespérer.

Même les fautes les plus sordides ? On pourrait en douter, jusqu’à ce qu’on lève les yeux vers le Crucifié. Jésus l’Innocent y demande à Dieu, son Père, pour ses bourreaux : « Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Non seulement nous sommes depuis toujours déjà pardonnés, mais Jésus nous trouve l’excuse de l’ignorance.

Même si je ne regrette pas le mal que j’ai commis ? Ici, nous touchons au mystère abyssal de notre liberté. J’ai la capacité réelle de méconnaître le mal que j’ai accompli en me justifiant, en me « victimisant « . Je possède aussi celle de refuser les marques d’amour ou de les interpréter comme leur contraire. J’en fais l’expérience quand je nourris du ressentiment, quand je ne m’estime plus digne de l’amour de l’autre : les portes de mon cœur sont alors fermées de l’intérieur. Je peux donc malheureusement (au sens le plus propre : je fais mon propre malheur) me dérober au pardon divin toujours offert,. Pourtant, Dieu ne cessera de multiplier les signes d’amour et de pardon, jusqu’à mon dernier souffle. Non pas saurai-je, mais voudrai-je les reconnaître ?

Enfin, la preuve que Dieu peut tout pardonner, c’est qu’il donne cette force à nous, êtres fragiles, lorsque nous le Lui demandons. Une religieuse novice de Bosnie, Sœur Lucia Vetruse, fut violée, elle et ses deux sœurs, par les miliciens serbes. A la suite de ce viol, elle attend un enfant. Voici ce qu’elle a écrit à sa supérieure : « Lors de votre appel téléphonique, après m’avoir dit des paroles de consolation dont je vous serai reconnaissante toute ma vie, vous m’avez posé la question : « Que feras-tu de la vie qui t’a été imposée dans le ventre ? » J’ai pris ma décision maintenant : Si je suis mère, l’enfant sera à moi et à personne d’autre. Je m’en irai avec mon enfant. Je ne sais où, mais Dieu qui a brisé d’un coup ma plus grande joie, m’indiquera le chemin pour accomplir sa volonté. Je serai pauvre, je reprendrai mon vieux tablier. Je ferai l’impossible pour rompre la chaîne de haine qui détruit nos pays. A l’enfant que j’attends, je n’apprendrai qu’à aimer. Mon enfant, né de la violence, témoignera de ce que l’unique grandeur qui honore la personne est le pardon. »

Dieu peut-il tout pardonner ?

Dieu respecte la conscience de chacun. La question n’est pas tant du côté de Dieu que de celui de l’homme. Par l’endurcissement du cœur et l’orgueil de celui qui ne veut pas dépendre de son Créateur et Seigneur, un bouclier s’installe, repoussant les traits de la miséricorde qui pourraient percer la carapace d’obstination.

Il est clair que Dieu peut tout pardonner parce que sa miséricorde s’étend largement au-delà de l’abîme du péché, aussi grave soit-il. Saint Augustin fait cette expérience bouleversante de découvrir combien Dieu a précédé son désir enfoui d’être uni à Lui, malgré ses innombrables péchés. Un cri jaillit de son cœur tout au long de ses Confessions : « Mon espérance est tout entière uniquement dans la grandeur immense de ta miséricorde » (X, 19, 40).

Dieu peut tout pardonner, mais Il respecte la conscience de chacun et ne viole jamais la liberté. « Dieu peut tout pardonner, mais Il respecte la conscience de chacun, donc la question n’est pas tant du côté de Dieu que de celui de l’homme ».

Dans l’absolu, Dieu peut tout. Dans la libre disposition de sa providence, il a voulu que l’homme soit libre de répondre ou non à l’invitation de son amour. La matrice du péché, c’est l’orgueil. Poussé à son paroxysme, il peut devenir rébellion déclarée contre le Seigneur, à l’instar du Diable. C’est si vrai que l’hypothèse d’un rejet définitif de Dieu par le refus catégorique de sa miséricorde ouvre l’effrayante perspective de la damnation éternelle, ultime dévoiement de l’impiété de la créature qui maudit son Créateur. Un seul remède donc, promu à longueur de pages d’Evangile : l’humilité. Elle est le terreau où s’épanouit avec bonheur la juste conscience de nos fautes pour que la miséricorde divine puisse les couvrir de son baume de douceur.

Cf. Abbé Philippe-Marie Airaud