Orantes de l'Assomption
Présence contemplative au cœur du monde
Rien n’est bon comme le détachement de soi-même, rien n’est déplorable comme la paresse spirituelle, j’en sais quelque chose---------Offrez-vous tous les matins et ne vous reprenez pas dans la journée---P. François Picard///////Il y a toujours à supporter, et tout le monde fait supporter. Il faut savoir se supporter mutuellement avec beaucoup de bonté, de patience, mais en même temps d'austérité de langage, avec l'affection des personnes données à Dieu---------- Je voudrai que pour nous prière et acte d’amour fussent synonymes----Mère Isabelle

Ce que tu auras accumulé, qui l’aura ? Choisir les greniers de la grâce

Évangile selon saint Luc 12, 13-21

En ce temps-là, du milieu de la foule, quelqu’un demanda à Jésus : « Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage. » Jésus lui répondit : « Homme, qui donc m’a établi pour être votre juge ou l’arbitre de vos partages ? » Puis, s’adressant à tous : « Gardez-vous bien de toute avidité, car la vie de quelqu’un, même dans l’abondance, ne dépend pas de ce qu’il possède. » Et il leur dit cette parabole : « Il y avait un homme riche, dont le domaine avait bien rapporté. Il se demandait : ‘Que vais-je faire ? Car je n’ai pas de place pour mettre ma récolte.’
Puis il se dit : ‘Voici ce que je vais faire : je vais démolir mes greniers, j’en construirai de plus grands et j’y mettrai tout mon blé et tous mes biens. Alors je me dirai à moi-même : Te voilà donc avec de nombreux biens à ta disposition, pour de nombreuses années. Repose-toi, mange, bois, jouis de l’existence.’ Mais Dieu lui dit : ‘Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ?’ Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même, au lieu d’être riche en vue de Dieu. »

Un homme interrompt le discours de Jésus pour une question d’un héritage conflictuel. Si Jésus semble renvoyer le plaideur à son conflit familial, se refusant à se dresser en juge, le discours émet un jugement sur les rapports aux biens, destiné à tous. Sa conclusion ne nous étonnera guère : Jésus oppose la vanité de l’accumulation des biens à la fragilité de la vie et la richesse en Dieu.

Le mouvement de notre passage débutant par une question de conflit et de procès et se terminant par le thème de la vie en Dieu et pour Dieu. Compter sur la providence divine ne peut se limiter seulement à ces instants où l’on en a besoin : comme cet homme s’adressant à Jésus pour son cas personnel. Elle ne consiste pas en une aide ponctuelle et opportune mais représente la bienveillance de toute une vie.

Elle implique ainsi pour le fidèle une notion de détachement vis-à-vis des critères mondains de réussite. La valeur du fidèle n’est plus liée à son statut social ou son opulence, mais à sa fidélité filiale et gratuite à Dieu. De même, le salut n’est pas dans les greniers de l’accumulation, mais dans la personne même du Semeur. Dans ce Royaume, les greniers de la grâce lui sont ouverts. La parabole a pour but le discernement et appelle à la conversion face à la proximité du Jugement.

.

Qui l’aura ?

La parabole est assez claire. À quoi bon amasser si demain la vie s’arrête ? Nous le savons – du moins je l’espère – la fortune ne constitue pas en soi l’idéal de la réussite. Cependant, ce n’est pas la richesse en tant que telle qui est ici dénoncée que sa destination : l’homme de la parabole amasse pour lui-même, pour son propre contentement personnel : Repose-toi, mange, bois, jouis de l’existence. La parabole oppose la gestion de ce domaine à celle du royaume de Dieu. Ce qui sera accumulé qui l’aura ? Les richesses mondaines, destinées à la gloire de leur propriétaire, contredisent la richesse de Dieu destinée au bonheur de tous. Le fidèle est invité à faire, une fois encore, un choix radical en préférant la suite du Christ et son pain quotidien pour un salut éternel, à des greniers pleins de blé mais vide d’amour.

.

Réflexion

  1. La période estivale est une parabole naturelle de la prospérité comme fruit de la terre et du travail des hommes, exposée pourtant aux aléas du climat. Alors que l’apogée de nos existences fait miroiter l’euphorie d’une vie à croquer des dents, Qohèlet élève sa voix en trouble-fête : « Vanité des vanités » (première lecture du jour) Pourquoi ? Ce dimanche nous rappelle la fugacité des réalités temporelles : « Que reste-t-il à l’homme de toute la peine et de tous les calculs pour lesquels il se fatigue sous le soleil ? » (Ec 1, 3) Vu sous cet angle, quel rendement, quel héritage devons-nous poursuivre ?
  2. « Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage. » La demande de ce quiconque reflète souvent, au lieu d’une indigence vitale, notre attachement au superflu. Si Jésus dédaigne les litiges de succession, c’est pour diriger notre quête vers l’héritage éternel.« Si donc vous êtes ressuscités avec le Christ (…) pensez aux réalités d’en haut, non à celles de la terre. » (deuxième lecture du jour) Le psaume à son tour indique les trésors éternels qui nous sont destinés. Impérissables, qui ne sont pas pour un lendemain incertain, mais pour l’aujourd’hui du baptisé : « Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu ! »(psaume du jour)doit être notre prière.
  3. Et Jésus, de conclure : « la vie de quelqu’un, même dans l’abondance, ne dépend pas de ce qu’il possède. »En quoi consistent alors la richesse en vue de Dieu et sa quête ? « Apprends-nous la vraie mesure de nos jours : que nos cœurs pénètrent la sagesse »nous répond le psaume.
    Apprendre indique le chemin du disciple qui se laisse instruire par le Maître intérieur, l’Esprit Saint. Par la vie de grâce, il a introduit en nous vertus et dons, afin qu’ils produisent en nous de bons fruits comme dans de la bonne terre : « Vous vous êtes débarrassés de l’homme ancien (…) et vous vous êtes revêtus de l’homme nouveau. » (deuxième lecture) Est-ce que je vis de cet Esprit ?

.

Sans Dieu, les hommes sont centrés sur eux-mêmes et cherchent continuellement à combler leurs désirs terrestres. Cette perspective les incite à amasser toujours plus, sans trouver forcément davantage de satisfactions. Dieu nous invite aujourd’hui à être riches en vue du Royaume, en s’ouvrant aux autres, à l’image de son Fils.

.

Dialogue avec le Christ

Jésus, juste juge, je fais appel à ta justice pour poursuivre les biens impérissables et me libérer de toute revendication excessive des biens temporels. Affermis mon cœur pour me débarrasser du superflu dans mon lieu de vie et d’aspirer vers les biens éternels. Merci, ô Jésus, pour les exemples qui nous sont donnés par ta vie et la vie de tes saints : la liberté de tout quitter en quête du Royaume de Dieu.