Orantes de l'Assomption
Présence contemplative au cœur du monde
Rien n’est bon comme le détachement de soi-même, rien n’est déplorable comme la paresse spirituelle, j’en sais quelque chose---------Offrez-vous tous les matins et ne vous reprenez pas dans la journée---P. François Picard///////Il y a toujours à supporter, et tout le monde fait supporter. Il faut savoir se supporter mutuellement avec beaucoup de bonté, de patience, mais en même temps d'austérité de langage, avec l'affection des personnes données à Dieu---------- Je voudrai que pour nous prière et acte d’amour fussent synonymes----Mère Isabelle

Ils n’ont plus de vin. Tout ce qu’il vous dira, faites-le

« Tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant »

Alors que le Christ assistait aux noces et que la foule des convives se régalait, le vin leur manqua, et leur joie se changea en chagrin. (…) Voyant cela, la très pure Marie vint aussitôt dire à son fils : « Ils n’ont plus de vin ; alors, je t’en prie, mon enfant, montre que tu peux tout, toi qui as tout créé avec sagesse. »

S’il te plaît, Vierge vénérable, d’après quels miracles de lui as-tu su que ton fils, sans avoir vendangé de raisin, pouvait accorder le vin, alors qu’il n’avait pas encore fait de miracles auparavant ? Apprends-nous (…) comment tu as dit à ton fils : « Donne-leur du vin, toi qui as tout créé avec sagesse. »

« — J’ai vu moi-même Élisabeth m’appeler Mère de Dieu avant l’enfantement ; après l’enfantement Syméon m’a chantée, Anne m’a célébrée ; les mages sont accourus de la Perse à la crèche, car une étoile annonçait d’avance cet enfantement ; les bergers avec les anges se faisaient hérauts de la joie, et la création se réjouissait avec eux. Que pourrais-je aller chercher de plus grand que ces miracles, pour croire sur leur foi que mon fils est celui qui a tout créé avec sagesse ? » (…)

Quand le Christ changea manifestement l’eau en vin par sa puissance, toute la foule se réjouit, trouvant admirable le goût de ce vin. Aujourd’hui, c’est au banquet de l’Église que nous nous asseyons tous, car le vin est changé en sang du Christ, et nous le buvons tous avec une allégresse sainte, glorifiant le grand Époux. Car l’Époux véritable, c’est le fils de Marie, le Verbe qui est de toute éternité, qui a pris la forme d’un esclave, et qui a tout créé avec sagesse.

Très-Haut, saint, sauveur de tous, garde sans altération le vin qui est en nous puisque tu présides à tout. Chasse en nous toute perversité, toutes les pensées mauvaises qui mouillent ton vin très saint. Par les prières de la sainte Vierge Mère de Dieu, délivre-nous, de l’angoisse des péchés qui nous oppressent, Dieu miséricordieux, toi qui as tout créé avec sagesse.

Saint Romanos le Mélode (560)

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De grâce, du vin ! (Jn 2,3-5)

Or, on manqua de vin. La mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont pas de vin. »  Jésus lui répond : « Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. » Sa mère dit à ceux qui servaient : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. »

Vers un fiasco ?

Des invités dont Jésus, sa mère et ses disciples. Des serviteurs. Un maître du repas. Des jarres contenant au total près de six cents litres d’eau…. L’évangile ne décrit pas une noce intime et sobre. On donne plutôt dans l’opulence. Cependant, en dépit de ce faste propre à toute noce et notamment à celle-ci, un manque surgit. Bien plus qu’un manque, il s’agit d’un fiasco qui sonne (ou pourrait sonner) la fin de la noce. Une fin d’autant plus dramatique que celle-ci célèbre l’Alliance salutaire entre Dieu et son peuple.

Ils n’ont pas de vin. Le fait que l’évangéliste souligne par deux fois ce manque, ajoute encore à la dramatique. Le symbole même des réjouissances divines fait défaut. Tout pourrait s’arrêter ici. C’est la mère de Jésus qui se tourne vers son fils. Elle désigne Celui sans qui la noce demeure impossible. Tout ce qu’il vous dire, faîtes-le. Elle reprend, à son encontre, les termes même de l’adhésion du peuple lors de l’Alliance de Dieu au Sinaï : Moïse prit le livre de l’Alliance et en fit la lecture au peuple. Celui-ci répondit : “Tout ce que le Seigneur a dit, nous le mettrons en pratique, nous y obéirons.” Ex 24,7.

La mère de Jésus et ses disciples

Dans l’évangile selon saint Jean, Marie est présente à deux endroits, sans qu’elle soit citée par son nom. Elle sera toujours la mère de Jésus ici à Cana comme plus tard au pied de la croix (Jn 19,25). En la désignant ainsi, Jean la revêt d’un rôle particulier, celui de symboliser d’Israël qui attend l’Alliance définitive et un renouveau, comme l’évoque le Ps 89 : Mais on appelle Sion : « Ma mère ! » car en elle, tout homme est né. La mère de Jésus est présente comme un celle qui attend la venue de l’Heure de la révélation. Associée aux disciples, comme à la crucifixion, la présence de la mère de Jésus manifeste le lien qui l’unit, avec ces nouveaux(-nés) disciples, à ces temps nouveaux.

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Six jarres de cent litres (2,6-7)

Or, il y avait là six jarres de pierre pour les purifications rituelles des Juifs ; chacune contenait deux à trois mesures, (c’est-à-dire environ cent litres). Jésus dit à ceux qui servaient : « Remplissez d’eau les jarres. » Et ils les remplirent jusqu’au bord.

Être pur…

On peut s’interroger sur la présence des jarres de purification à l’occasion d’un mariage. D’autant que les quantités sont impressionnantes : près de six cents litres. Nous le savons, pour se préparer à une noce, il convient d’être propre. De même, pour rencontrer le Seigneur, il convenait d’être pur, débarrassé de toutes les souillures contractées dans le monde : le mal, la maladie, la mort, le péché… tout ce qui éloigne de ce Dieu de vie, créateur de tout bien. Le Judaïsme pharisien et essénien de l’époque était à ce propos très scrupuleux. Être pur, c’était retrouver une certaine innocence édénique devant le Seigneur et se rapprocher de la sphère du divin.

La présence de ces jarres évoque cette volonté scrupuleuse de devenir pur parmi les purs, et par ses propres moyens, pour s’approcher au plus près des noces salutaires. Les jarres, faites de la dureté de la pierre et au nombre de six – symbole d’imperfection- n’ont servi à rien. La purification rigoureuse n’a pas garanti la réussite de la noce. A moins de se purifier encore et encore … vainement.

Le texte laisse planer un certain (et court) suspens à ce sujet lorsque Jésus demande aux serviteurs de remplir les jarres d’eau jusqu’au bord. Mais il n’y aura pas de purification. La joie des noces suppose du vin et non de l’eau. La joie des noces demande un don de Dieu débordant et non un effort surhumain.

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Le vin de la grâce (Jn 2,8-10)

Il leur dit : « Maintenant, puisez, et portez-en au maître du repas. » Ils lui en portèrent. Et celui-ci goûta l’eau changée en vin. Il ne savait pas d’où venait ce vin, mais ceux qui servaient le savaient bien, eux qui avaient puisé l’eau. Alors le maître du repas appelle le marié et lui dit : « Tout le monde sert le bon vin en premier et, lorsque les gens ont bien bu, on apporte le moins bon. Mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant. »

Puisez maintenant

Ce vin-là vient sans effort, et sans marchander. Il est donné sans contrepartie. Il n’y a pas eu de vendange, de foulage, de vinification, de patience et de rigueur. Il n’y a pas eu de vente ou de négociation. C’est le vin ‘gratuit’ de la Parole comme l’annonçait encore Isaïe : Venez acheter du vin et du lait sans argent, sans rien payer. Pourquoi dépenser votre argent pour ce qui ne nourrit pas, vous fatiguer pour ce qui ne rassasie pas ? […] Écoutez, et vous vivrez. Je m’engagerai envers vous par une alliance éternelle. Is 55,1-3.

On peut souligner l’absence de gestes ou de formules occultes … Rien que des paroles ordinaires : remplissez … puisez… portez. Puis Jésus disparaît de la scène. Cette disparition n’est pas sans évoquer le destin de Jésus après sa Passion et sa Résurrection. Le récit évoque ainsi les signes et la Parole que le Christ a répandus, versés, tel un bon vin, durant sa vie terrestre et la mission des disciples après Pâques.

Le Christ se présente ainsi comme ce “bon vin” pour maintenant, un vin meilleur destiné à faire de nous ses hôtes réjouis. Il est la bonté et la nouveauté de l’époux attendu. Ce maintenant, que souligne l’énigmatique maître du repas, est celui de nos vies. Jésus vient changer nos mornes eaux en un vin de noces. Il vient remplir ce qui manque à nos vies. Ce vin essentiel et débordant se verse encore et toujours pour nous. Nous le goûtons à sa Parole, nous nous en réjouissons à son Repas, nous le partageons dans sa charité.

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Tel fut le commencement (2,11-12)

« Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C’était à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui. Après cela, il descendit à Capharnaüm avec sa mère, ses frères et ses disciples, et ils demeurèrent là-bas quelques jours.« 

La grâce e(s)t sa Gloire

Il s’agit bien d’un commencement qui n’est pas seulement chronologique. C’est le commencement d’un temps nouveau, temps de l’alliance nuptiale et eschatologique, que Jésus vient inaugurer. Pourtant, l’affaire est passée inaperçu. Sans bruit. Le récit ne montre aucune réaction des convives. La gloire est plus que discrète. Seuls les disciples ont saisi, car eux seuls sont dans la proximité de foi avec le Christ. Le récit des noces de Cana résume l’évangile qui va se poursuivre où les signes et la manifestation de sa gloire ne seront compris qu’après la passion, par ses plus proches disciples.

Dans l’évangile de Jean, cette gloire et cette heure évoquent la Passion. Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie prie Jésus avant son arrestation (Jn 17,1). Le signe de Cana nous renvoie à l’événement de la Croix où Jésus glorifie et révèle tout l’Amour du Père pour le monde.

Sa gloire est dans sa Parole, dans ce don gratuit qu’il nous fait. Sa gloire est dans cette présence nuptiale du Verbe fait chair (1,14) qui nous offre de participer gracieusement à ses noces messianiques. Il fait de nous, à la fois ces serviteurs missionnaires, ces invités réjouis et ces disciples comblés par la foi et demeurant auprès de lui.