Présence contemplative au cœur du monde
Rien n’est bon comme le détachement de soi-même, rien n’est déplorable comme la paresse spirituelle, j’en sais quelque chose---------Offrez-vous tous les matins et ne vous reprenez pas dans la journée---P. François Picard///////Il y a toujours à supporter, et tout le monde fait supporter. Il faut savoir se supporter mutuellement avec beaucoup de bonté, de patience, mais en même temps d'austérité de langage, avec l'affection des personnes données à Dieu---------- Je voudrai que pour nous prière et acte d’amour fussent synonymes----Mère Isabelle

Se laisser instruire par la parabole du figuier

Le Seigneur nous parle de sa venue, il parle des signes précédant sa venue. Bien plus, il nous demande d’être attentifs à ces signes. « Laissez vous instruire par la comparaison du figuier : dès que ses branches deviennent tendres et que sortent ses feuilles, vous savez que l’été est proche ». Nous sommes capables de voire l’arrivée des saisons à certains signes de la nature. Apprenons aussi à voir l’arrivée de Jésus à certains signes : « De même vous, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte ».

Se laisser instruire

Peut-être est-ce la raison pour laquelle Jésus emploie cette expression : « Laissez-vous instruire par la comparaison du figuier… » Il vient d’annoncer à ses disciples une bonne nouvelle à l’intérieur d’une mauvaise. La mauvaise, c’est que dans l’avenir, ce qu’il y a apparemment de plus solide s’écroulera : même le soleil, la lune et les étoiles menaceront ruine. Et cela provoquera une angoisse légitime. La bonne nouvelle, c’est que le Christ, lui, est plus solide que les astres du ciel. Une bonne nouvelle au cœur d’une mauvaise.

Sur laquelle concentrerons-nous nos regards ? Sur ce que nous perdons ou sur Celui que nous gardons ? Sur la nostalgie ou sur l’espérance ? D’où, à nouveau, l’expression de Jésus : « Laissez-vous instruire… » C’est typiquement l’expression d’un maître, d’un rabbi. Il demande à ses disciples, ceux qui se mettent à son école, de calmer un instant leur nervosité, leur peur, leur révolte, pour expérimenter la docilité : se laisser instruire. Ce n’est pas simple de sembler abdiquer sa liberté devant un péril, devant une peine, et d’entrer dans le temps long de l’apprentissage. Mais, dit Jésus, c’est indispensable pour repérer les signes de sa présence.

Jésus est assis, il est avec ses apôtres au mont des Oliviers. De ce lieu, ils contemplent la ville de Jérusalem et le magnifique temple embelli par Hérode le Grand, depuis 20 ans. Un des disciples fait part de leur admiration devant la construction. Et voilà que Jésus leur annonce que ce bâtiment construit pour défier les siècles sera détruit complétement. Cette destruction, effectivement, aura lieu en l’an 70, par Titus.

Quand cela arrivera-t-il ?

Comme toujours, Jésus répond en élargissant la question et la réponse. En plus de la destruction du temple, il leur parle de la fin des temps ; mais aussi de sa mort et de sa résurrection. Il ne lui reste que quelques jours à vivre, humainement, parmi nous.

Jésus utilise de langage apocalyptique habituel de son époque. Chaque époque à son langage de science-fiction. Et il arrive, hélas, que la réalité des événements de l’histoire du 20esiècle a dépassé la fiction, avec les deux guerres mondiales et les dizaines de millions de morts qu’elles ont provoquées. Lyautey, au début de la 1ère guerre mondiale, déclarait : « Quel suicide ! ».

Nous voilà prévenus et cela depuis 2000 ans du grand chamboulement que sera la fin du monde. Ce que Jésus déclare c’est que celle-ci se fera. Quant à la date, seul le Père la connaît, pas même le Fils.

Mais Jésus révèle ce qui se fera à ce moment-là. La fin du monde concernera l’univers entier. Lui, Jésus, le Fils de l’homme enverra ses anges pour rassembler les élus des 4 coins du monde, de l’extrémité de la terre jusqu’à celle de l’univers.

Qui sont les élus ? Ceux qui ont vécu selon les béatitudes et ceux qui sont cités dans le texte de Matthieu 25 : c’est-à-dire ceux à qui le Fils de l’homme déclarera, triés comme le berger sépare les brebis des boucs. « Tout ce que vous avez fait au plus petit des miens, c’est à moi que vous l’avez fait ».

La deuxième partie de l’évangile, apparemment, a un ton tout différent. Nous revenons à la vie de tous les jours. Jésus nous parle du figuier qui commence à bourgeonner, et cela tardivement, alors que l’amandier fleurit très tôt. L’été de Dieu est sur le point d’advenir.

Et lui-même, Jésus le Fils de l’homme, nous dit qu’il est proche de chacun d’entre nous, à notre porte. Il vient vers nous. Depuis la venue de Jésus sur la terre et de l’événement de sa mort et de sa résurrection, les derniers temps sont déjà présents. Quand nous parlons de l’action de Dieu, il faut conjuguer les verbes à tous les temps. La liturgie utilise souvent cette acclamation : « Gloire au Père, au Fils, au Saint-Esprit, au Dieu qui est, qui était et qui vient. »

De l’urgence de devenir des pauvres

Méfions-nous donc d’être des « sachants ». Pour nous laisser instruire, acceptons de devenir un peu plus dociles, un peu plus pauvres. Les pauvres humains que nous sommes, nous vivons dans le présent, constamment. Le passé, on ne peut pas le gommer ; le futur ne nous appartient pas complétement. Nous avons le devoir de la prévoyance, mais les surprises de l’avenir sont parfois déconcertantes et inattendues, en bien comme en mal.

Ce qui est déjà là, en notre monde, présent et agissant, mais caché, sera enfin dévoilé, révélé. Il vient faire toutes choses nouvelles, ce qui était en germe sera moissonné.

Il ne s’agit pas tant d’annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres, mais de la recevoir des pauvres eux-mêmes.

Le Seigneur ne parle pas d’un ailleurs. Il nous donne les vraies dimensions de notre vie, de notre histoire. Dans les événements de notre vie se trouvent les dimensions d’éternité. Le provisoire construit l’éternel. Il s’agit de modeler notre vie, notre monde en les modelant, les pétrissant d’amour. La grâce, c’est l’invitation à choisir sa vie.

Depuis 2000 ans des hommes et des femmes croient à la fidélité de Dieu, malgré les échecs ; ils restent éveillés, attentifs et bienveillants. Et ceci par tous les temps, tous les jours. Ils ne sont pas des héros sans peur et sans reproche. Ils font leur travail, simplement, avec, à l’âme, un grand courage.

Si « les pauvres sont nos maîtres » comme l’a dit Saint Vincent de Paul, c’est que derrière chacun d’entre eux se cache le visage de notre Roi. « La guerre se fait entre les riches pour posséder plus… […]. Les pauvres sont les artisans de la paix. Nous avons besoin de paix dans le monde, dans l’Église, dans toutes les Églises ». Ces paroles sont, toujours, et durablement, d’actualité.

Ces fins du monde qui ne se produisent jamais !

Lorsque vous verrez arriver cela… De quoi Jésus parle-il ? Il parle de cataclysmes « En ce jour-là, après une grande détresse, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ; les étoile du ciel tomberont et les puissances célestes seront ébranlées »

La fin, la catastrophe finale, annoncera le retour du Christ dans la gloire :  nous voilà revenu à toutes ces apocalypses, à toutes ces fins du monde dont les rumeurs nous menacent sans arrêt et qui ne se produisent jamais. Je me souviens de ma dernière fin du monde en décembre 2012, on ne trouvait plus une bougie dans aucun magasin de la ville. A quoi auraient servi ces bougies en cas de fin du monde ? Je n’en sais rien, puisque, comme d’habitude, il n’y a pas eu de fin du monde ! Alors quoi ? Jésus est-il donc un prophète de malheur de plus ? « Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive ».

Veiller et être prêts

Laisser sa porte ouverte. Quelqu’un frappe à la porte, ouvre ta porte, tes bras. Dieu est là. Il croit en toi, il t’espère, quelle que soit la détresse de ton chemin. Vos blessures, c’est ma place, nous dit le Seigneur.

Il s’agit pour nous d’être attentif à ce qui ne demande qu’à naître, à se lever, à grandir. Au souffle subtil de l’Esprit, s’épanouissent les feuilles fragiles et tendres du figuier. Le Seigneur vient pour rassembler les élus, ses aimés, c’est-à-dire les pauvres. « Le Seigneur mène pour toujours à leur perfection ceux qu’il sanctifie. », nous dit S. Paul dans la lettre aux Hébreux.

« Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas.  Tout passe, hormis la parole de Dieu.

La guerre dure un temps. Mais la paix est aussi un combat quotidien, à reprendre tous les jours de nos existences. Le véritable combat est celui de la fidélité. Celui de la paix, de la justice. La recherche de la paix est bien plus rude que le combat de la guerre.

Cfr Maurice Billet, o.p.