Pour vous, qui suis-je? C’est une question peut-être même LA question que nous ne cessons de poser. Le petit enfant semble interroger de ses yeux tous ceux qui viennent aux pieds de son berceau: pour vous qui suis-je? Et on répond mal: il a les yeux de son père et le nez de sa mère. Mais ça ne répond pas à la question. Alors, enfant, il continue de la poser: Pour vous qui suis-je? Et la réponse tombe, projection de nos désirs: il sera dentiste comme sa mère, ingénieur comme son père. Et la question continue tout au long de la vie, de notre vie. Nous cherchons à savoir qui nous sommes. Et les mauvaises réponses aussi, vous savez celles qui ne font qu’exprimer ce que nous avons saisi de l’autre: il est ceci, il est cela.
On répond par la fonction, par un trait de caractère, par une caractéristique physique. Et du coup celui à qui s’adresse la réponse cherche à correspondre à ce que nous disons de lui en bien. En fait ce genre de réponse enferme l’autre, elle tombe toujours à côté. Car il n’y a qu’une seule vraie réponse et c’est celle de Pierre, c’est celle-ci: Tu es un Christ, c’est-à-dire littéralement: tu es un oint de Dieu, tu es consacré par l’onction parce que tu es aimé de Dieu. Tu es vraiment fils de Dieu. Voilà ce que tu es! Voilà ta vocation! Voilà ta libération aussi!
Ouvrir les yeux de ceux que nous rencontrons sur leur véritable dignité, celle de prêtre de prophète et de roi, celle de fils de Dieu. Voilà en quelque sorte la mission qui nous est confiée à nous qui sommes parents, catéchistes, communauté religieuse, communauté paroissiale, baptisés tout simplement. Révéler à chacun qu’il est né de Dieu et qu’il est fait pour ce Dieu qui a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils pour que, par lui, le monde aie la vie. Révéler à chacun sa vocation à vivre une vie belle et grande sous le souffle de l’Esprit Saint.
Et pour cela, il faut que nous orientons le regard et le questionnement non pas vers nous mais vers le Seigneur. C’est lui qui nous a tissés dès le sein de notre mère. C’est lui qui nous appelle dès le sein maternel et qui prononce notre nom. Dès les entrailles de ma mère, il m’a dit : Tu es mon serviteur, Israël, toi en qui je me glorifierai. Je nous engage donc à oser poser cette question à Dieu, chaque jour dans notre prière: Pour toi, Seigneur, qui suis-je?
L’Evangile nous montre que cette connaissance ne suffit pas. « Pour vous qui suis-je ? » Cette question appelle à la conversion, car répondre à la question de Jésus, ce n’est pas seulement prononcer un énoncé, c’est entrer dans une relation. Pour cela, il faut quelque chose d’autre, quelque chose comme de l’amour. Sans cet amour, nous serions comme beaucoup aujourd’hui qui savent sur Jésus des choses justes. Mais toutes les belles paroles sur Jésus ne répondent pas à la question : « Qui suis-je pour toi ? M’aimes-tu ? Es-tu prêt à me donner ta vie, à faire de ma présence le centre de ta vie, le secret de ton existence ? » Oserons-nous, oserai-je répondre oui ? Seul l’amour peut nous y engager.
Mais voilà. Pour que nous puissions dévoiler cette question de notre identité profonde à ceux que nous rencontrons et que nous puissions nous la dévoiler à nous-mêmes, il faut répondre à cette autre question, au moins aussi vitale. Celle que Jésus pose à ses disciples. Celle qu’il nous pose aujourd’hui. Pour vous, pour toi, qui suis-je? C’est à cette condition que le Seigneur pourra répondre à notre propre questionnement. L’évangéliste Matthieu nous révèle que c’est lorsque Pierre a dit: Tu es le Christ que Jésus a pu lui dire: Tu es Pierre. Alors, frères et sœurs, écoutons le Seigneur nous la poser cette question.
Et demandons-nous quelle réponse que nous allons vouloir y apporter. Il y en a trois: La première, c’est celle-ci: Qui es-tu? Mais je ne te connais pas! C’est le rejet ou l’indifférence pratique. Dieu n’existe pas ou alors il est tellement lointain qu’il ne peut avoir aucune place dans ma vie. J’ai peut-être bien reçu une Bible un jour mais ne l’ai jamais ouverte. Ou ne l’ouvre plus? Attention! Cela ne concerne pas uniquement ceux qui ne vont pas à la messe: N’y a t il y a trop souvent des pans entiers de notre vie qui ne connaissent pas le Seigneur?
La seconde réponse, c’est de dire: Seigneur tu as une place dans ma vie. Peut-être même une place importante. Je donne au denier, je vais à la messe, je vais même me confesser. C’est qu’on aime bien se réjouir auprès du Seigneur. C’est agréable mais à petites doses. Le Seigneur fait partie du décor, ce décor que nous agençons et dont on est le maître. Mais voilà, un décor ça n’est pas vivant. Et ça peut même se charger de poussière? Vous savez comme cet oratoire dans une chambre ou ce crucifix sur un mur qui font tellement partie du décor qu’on a fini par les oublier. Et pourquoi agissons-nous ainsi? Peut-être parce qu’on a un peu peur de se laisser prendre par Dieu. Ne va-t-il pas trop me demander? Ne vais-je pas y perdre? Oui, mais qui veut sauver sa vie la perdra?
La troisième réponse c’est Tu es toute ma vie. C’est la réponse de l’amoureux, de celui qui a rencontré non pas une doctrine ou des règles mais une personne: le Christ, le Fils du Dieu vivant. Et c’est la réponse qui nous rend vraiment heureux. Je ne veux pas dire qu’elle vient supprimer les difficultés et les incompréhensions. Elle ne vient même pas supprimer le péché. Saint Pierre a dit: Tu es le Christ. Il est pourtant resté Simon Pierre avec sa générosité et sa lâcheté. Mais sa réponse l’a ouvert au don infini de l’amour de Dieu, un don qui a peu à peu dilaté son cœur. Et c’est ainsi que Pierre est devenu ce qu’il aspirait, en fait, à devenir: un fils de Dieu. Oui, frères et sœurs, plus nous sommes à Dieu, plus nous sommes nous-mêmes.
Ce double questionnement, ces trois réponses à la question de Jésus, il me semble que c’est un peu notre histoire à chacun d’entre nous. C’est le chemin que notre frère Élie-Pascal a suivi. Il a enfin aujourd’hui la véritable réponse à ce qu’il était vraiment aux yeux de Dieu. Et il peut répondre au Seigneur: Je t’ai tant cherché Seigneur, tu es toute ma Vie! C’est aussi le chemin littéral qu’a suivi saint Charles de Foucauld. Je vous propose juste d’écouter sa prière d’abandon pour la faire vôtre. Non pas juste aujourd’hui, mais à chacun des pas de votre existence.
Mon Père, je m’abandonne à toi,
Saint Charles de Foucauld
_ fais de moi ce qu’il te plaira.
_ Quoi que tu fasses de moi,
_ je te remercie.
_ Je suis prêt à tout, j’accepte tout.
_ Pourvu que ta volonté se fasse en moi,
_ en toutes tes créatures,
_ je ne désire rien d’autre, mon Dieu.
_ Je remets mon âme entre tes mains.
_ Je te la donne, mon Dieu,
_ avec tout l’amour de mon cœur,
_ parce que je t’aime,
_ et que ce m’est un besoin d’amour
_ de me donner, de me remettre entre tes mains
_ sans mesure, avec une infinie confiance
_ car tu es mon Père.