Présence contemplative au cœur du monde
Rien n’est bon comme le détachement de soi-même, rien n’est déplorable comme la paresse spirituelle, j’en sais quelque chose---------Offrez-vous tous les matins et ne vous reprenez pas dans la journée---P. François Picard///////Il y a toujours à supporter, et tout le monde fait supporter. Il faut savoir se supporter mutuellement avec beaucoup de bonté, de patience, mais en même temps d'austérité de langage, avec l'affection des personnes données à Dieu---------- Je voudrai que pour nous prière et acte d’amour fussent synonymes----Mère Isabelle

Pape François : «communiquer en rencontrant les gens là où ils sont»

Dans son message pour la 55e Journée mondiale des communications qui a pour thème «Viens et vois (Jn 1, 46). Communiquer en rencontrant les gens où et comment ils sont», le Pape François met en garde contre le risque d’une information formatée, en exhortant les gens à aller «là où personne d’autre ne va» et à ne pas raconter la pandémie uniquement avec les yeux du monde riche.

L’appel à «venir et voir» est aussi «la méthode de toute communication humaine authentique». Tel est le cœur du message du Pape François pour la 55e Journée mondiale des communications sur le thème «Viens et vois (Jn 1, 46). Communiquer en rencontrant les gens, où et comment ils sont» qui a été publié aujourd’hui, à la veille de la commémoration de saint François de Sales, patron des journalistes. Cette journée tombe le 24 mai 2021, elle a été célébrée pour la première fois en 1967. Le premier texte écrit par un pape à cette occasion porte la signature de Paul VI. Ce rendez-vous annuel de prière et d’engagement pour les communications sociales a été introduit dans l’Église par le Concile Vatican II, avec le décret Inter mirifica

«Venez et voyez», c’est ainsi que la foi chrétienne est communiquée

Le Message publié pour cette Journée contient donc l’invitation que Philippe adresse à Nathanaël – «Viens et vois» comme le raconte le passage de l’Évangile de Jean qui inspire le thème – qui ne consiste pas à offrir un raisonnement mais une «connaissance directe». «Depuis plus de deux mille ans – souligne le Pape – c’est une chaîne de rencontres qui communique la fascination de l’aventure chrétienne».

D’autre part, «dans la communication, rien ne peut jamais remplacer complètement le fait de voir en personne». Pour chaque «expression communicative» qui se veut honnête, le Pape suggère l’invitation à «venir voir» la galaxie de communication actuelle, des journaux au web, mais aussi la «prédication ordinaire de l’Église» ainsi que la «communication politique ou sociale» Le Pape met donc l’attention sur les risques de se retrouver dans une communication formatée et répétitive, «sans jamais sortir dans la rue» pour rencontrer des gens et vérifier. En particulier dans le contexte de la pandémie, le Pape exhorte à raconter aussi les vicissitudes des populations les plus pauvres. 

La présomption de «déjà connaître»

Dans son discours, la dynamique consistant à se mettre en mouvement avec passion et curiosité, à sortir «de la confortable présomption du déjà connu» a un poids important. En ce qui concerne l’actualité, le Pape met en garde contre le risque d’être écrasé par des «journaux photocopiés» –et donc identiques ou «par des programmes d’information télévisés et radiophoniques et des sites web qui sont sensiblement les mêmes», où les enquêtes perdent de l’espace au profit d’informations «préemballées». Ces informations, rappelle-t-il, «sont de moins en moins capables d’intercepter la vérité des choses et la vie concrète des gens, et ne peuvent plus saisir ni les phénomènes sociaux les plus graves ni les énergies positives qui se dégagent de la base de la société». Pour François, «la crise du secteur de l’édition risque donc de conduire à une information construite dans les rédactions, devant l’ordinateur», sans «user la semelle de ses chaussures». 

L’impact de la pandémie

La pandémie, qui balaie le monde depuis le début de l’année 2020, marque de façon décisive ce message. Le Pape avertit qu’il y a un risque de la raconter, ainsi que chaque crise, «seulement avec les yeux du monde riche». La réflexion de François porte, en ce sens, sur la question des vaccins et des soins médicaux, sur le risque d’exclusion des populations les plus pauvres. «Qui nous dira – demande-t-il – l’attente de la guérison dans les villages les plus pauvres d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique ?» C’est un danger qui touche également le «monde des plus fortunés où le drame social des familles qui glissent rapidement dans la pauvreté reste largement caché», où «les personnes qui, surmontant leur honte, font la queue devant les centres Caritas pour recevoir un colis de nourriture ne font pas trop la une des journaux». Les différences économiques risquent donc de marquer l’ordre de distribution du vaccin anti-Covid, avec les pauvres toujours en dernier et «le droit à la santé pour tous affirmé dans son principe» mais «vidé de sa valeur réelle»

Merci aux journalistes qui rapportent les guerres oubliées

Au cœur du Pape, il y a aussi des remerciements pour le courage de tant de travailleurs de la communication. C’est grâce aux journalistes, cameramen, monteurs, qui prennent souvent des risques dans leur travail, «si aujourd’hui – dit-il – nous connaissons, par exemple, la condition difficile des minorités persécutées dans différentes parties du monde ; si de nombreux abus et injustices contre les pauvres et contre la création ont été dénoncés ; si de nombreuses guerres oubliées ont été rapportées». Ce serait un appauvrissement, souligne-t-il, si ces voix se perdaient. 

Communication avec les yeux, le ton, les gestes 

Le «venir et voir» était et est essentiel, réaffirme ensuite le Pape dans le message. «On ne communique pas, en fait, seulement avec des mots, mais avec les yeux, avec le ton de la voix, avec les gestes», maintient François en se référant au grand poids que la communication non verbale a dans l’expérience que nous avons de la réalité. La grande attraction qu’exerçait Jésus était due à la vérité de sa prédication, mais son efficacité était inséparable de son regard, de ses attitudes et «même – souligne-t-il – de ses silences». En Lui – le Logos incarné – le Verbe est devenu «Visage»

L’étonnement et une éloquence vide

Dans le Message adressé au monde de ceux qui s’occupent de communication au quotidien, la référence aux auteurs qui ont souligné l’importance de l’expérience concrète ne manque pas. «Ouvrez avec émerveillement vos yeux à ce que vous allez voir, et laissez vos mains se remplir de la fraîcheur de la sève, afin que les autres, lorsqu’ils vous liront, touchent de leurs mains le miracle palpitant de la vie», a conseillé à ses collègues journalistes le bienheureux Manuel Lozano Garrido, qui a vécu dans les années 1900 et a été béatifié en 2010.

Dans les premiers siècles du christianisme, saint Augustin lui-même rappelait que «dans nos mains se trouvent les livres, à nos yeux les faits», nous incitant à voir dans la réalité l’accomplissement des prophéties de l’Écriture Sainte. «Dans tous les domaines de la vie publique, dans le commerce comme dans la politique combien l’éloquence vide abonde même à notre époque», telle est la considération du Pape, qui se réfère également aux paroles cinglantes du grand dramaturge anglais William Shakespeare, dans Le marchand de Venise sur le fait de parler sans fin et de ne rien dire. Les mots, assure François, «sont également valables pour nous, communicateurs chrétiens»

La rencontre personnelle, le chemin de l’Évangile

Dans le texte, la référence à la bonne nouvelle de l’Évangile revient, ce qui se produit encore aujourd’hui «à chaque fois», dit-il, «nous recevons le témoignage clair de personnes dont la vie a été changée par la rencontre avec Jésus. Ce sont des personnes qui ont accepté la même invitation « Venez et voyez » et qui « ont été frappées par un « plus » d’humanité » qui a brillé chez ceux qui ont témoigné de Jésus». «Ce grand communicateur nommé Paul de Tarse – imagine le Pape- aurait certainement fait usage du courrier électronique et des messages sociaux ; mais c’est sa foi, son espérance et sa charité qui ont impressionné les contemporains qui l’ont entendu prêcher», et même lorsqu’il ne pouvait être rencontré en personne, «sa façon de vivre dans le Christ a été attestée par les disciples qu’il a envoyés».

D’où le défi qui nous attend, celui – observe François – de communiquer en rencontrant les gens «là où ils sont et comment ils sont», comme le rappelle le thème même du message. D’une manière sans précédent par rapport à ses textes précédents pour cette journée, le Pape conclut par une prière dans laquelle il demande au Seigneur de nous apprendre «à aller là où personne d’autre ne veut aller, à prendre le temps de comprendre», «à distinguer l’apparence trompeuse de la vérité». Avec «la grâce de reconnaître – conclut-il – l’honnêteté de dire ce que nous avons vu».

Debora Donnini – Cité du Vatican