Présence contemplative au cœur du monde
Rien n’est bon comme le détachement de soi-même, rien n’est déplorable comme la paresse spirituelle, j’en sais quelque chose---------Offrez-vous tous les matins et ne vous reprenez pas dans la journée---P. François Picard///////Il y a toujours à supporter, et tout le monde fait supporter. Il faut savoir se supporter mutuellement avec beaucoup de bonté, de patience, mais en même temps d'austérité de langage, avec l'affection des personnes données à Dieu---------- Je voudrai que pour nous prière et acte d’amour fussent synonymes----Mère Isabelle

Triple incarnation : à la crèche, à l’autel, en nos cœurs

Seigneur Jésus, venez vivre en moi, vous incarner en moi ~ La triple incarnation de Jésus-Christ naissant à la crèche, sur l’autel, dans nos âmes est un mystère qui devrait nous absorber tout entiers ~ Il me semble que rien n’est admirable comme de faire naître Jésus-Christ dans les âmes, écrit le Père d’Alzon – E.S.918, 906.

Christocentrique, la spiritualité de la Famille de l’Assomption est marquée singulièrement par le mystère de l’Incarnation, source d’approfondissement dans l’union à Dieu et de fécondité dans l’action apostolique. Même s’ils ont connus des épreuves les associant de près aux mystères de la passion et la résurrection du Christ, plusieurs de nos fondateurs et fondatrices ont vécus de lumineuses grâces de Noël qui ont contribué à les façonner et les inspirer.

Ils ne les ont jamais oubliées et en ravivent le message en se les remémorant au fil de leurs parcours. Lors de sa première communion, un 25 décembre, Marie-Eugénie de Jésus a fait une expérience intime de la grandeur de Dieu et entendu intérieurement une parole venant de Lui en une grâce de Noël déterminante pour sa vocation. La première de notre Famille, elle nous parle de l’incarnation, mystère qui transfigure le monde et crée des saints.

Noël est une fête chère au cœur du Père d’Alzon qui porte le nom d’Emmanuel et a vu la naissance de sa congrégation une nuit de Noël, il y a juste 175 ans. Il travaille à l’enfantement spirituel de la vie chrétienne en lui et autour de lui. C’est une incarnation permanente qui doit s’opérer en vous et par vous – Lettres XV, 319.

Isabelle, notre fondatrice, est pétrie par cette soif des âmes pour lesquelles elle s’est montrée prête à tout sacrifier. Elle est connue à juste titre pour son mystère de Gethsémani mais elle a gardé toute sa vie une reconnaissance et dévotion particulière pour les mystères du temps de Noël. Ils lui rappelaient notamment une grâce exceptionnelle, vécue par trois fois dans les commencements de son cheminement spirituel et qui a continué à la fortifier par la suite.

Elle l’évoque encore 30 ans après : C’est un jour de Noël que la Très sainte Vierge remettait le saint enfant entre mes bras pour que je le couvre de mes caresses. Je ne saurais dire comment cela s’est fait, car je n’ai rien vu, rien touché et cependant c’était bien une réalité ne venant ni de la méditation ni de l’imagination ~ J’étais toute inondée d’une joie sans mélange – Lettre 29 Janv.1907.

Et nous, que pouvons-nous dire de notre itinéraire spirituel ? Profitons de ce temps d’Avent pour en faire une relecture car, sans pour autant être extraordinaire ou exceptionnelle dans ses manifestations, la grâce est donnée à tous. Dieu a mille manières de concrétiser son amour pour chacun dans sa spécificité. De brefs témoignages de nos sœurs peuvent nous en manifester la trace, par exemple à l’occasion des jubilés et engagements de vie (cfr. page 7 du bulletin Info-Ora n°43). Mais y sommes-nous attentifs ? Et comment les reconnaître ?

Voici que tu m’habitais et j’étais au dehors… Tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi, j’étais retenu par ces choses… constate Augustin. Avec lui, mettons nos énergies à passer de l’extérieur vers l’intérieur ; aimons à dépasser la superficie des choses, des relations et des événements ; découvrons-en le sens spirituel ou surnaturel et la manière dont Dieu nous y conduit. Il ne manque pas de moyens pour nous parler ou nous faire signe mais admettons-nous que ses visites puissent nous rejoindre à tout moment ? Acceptons-nous de les percevoir ou attendre longuement de l’intérieur, dans le silence, l’oraison ou le courant de la vie ? Soyons conscients que cette perception s’éloigne de nous quand nous entrons dans la négligence ou dans les impressions, le bavardage extérieur ou intérieur, la recherche de nous-mêmes, nos goûts, notre sensibilité, nos intérêts ou volontés propres.

Puissent la fréquentation assidue de la Parole de Dieu ainsi que la garde du cœur et des pensées nous apprendre le détachement de nous mêmes, la joie du don et la disponibilité aux chemins de Dieu, tant pour nous mêmes que pour le communiquer à d’autres. Comme M. Isabelle en avait le souci, ne risquons pas de nous bercer d’illusions. Ce qui nous frappe ou que nous ressentons en lisant l’Ecriture, dans notre prière ou dans la vie ne nous apporte pas nécessairement de véritable message intérieur ni impact durable. Ce qui fait naître à la vie de Dieu et trace les étapes d’un itinéraire spirituel ce sont les grâces reçues – s’exprimant par exemple par une Parole signifiante ou un évènement interpellant – et les décisions ou attitudes qui y répondent durablement. Elles manifestent ainsi ce qui vient de l’Esprit et s’impose au fond du cœur pour faire entrer dans les desseins de Dieu.

Chaque âme qui croit comme Marie conçoit et enfante le Verbe de Dieu, dit Saint Ambroise. Laissons la Vierge Marie nous être un modèle en ce temps de l’Avent. Gardant toute chose en son cœur, elle nous enseigne l’intériorité et la relecture des chemins de Dieu. Par son fiat d’acquiescement à l’étonnant dessein de Dieu, elle participe à l’engendrement de l’Emmanuel. Demandons-nous chacun : quel est le fiat que j’ai à dire aujourd’hui pour préparer la naissance de Jésus dans nos cœurs et dans notre monde ? Pour qu’il puisse donner ses fruits d’engendrement, Noël est un temps de grâce qui se prépare. Bel Avent à chacun et joyeux Noël !

Sœur Anne Huyghebaert, supérieure générale des Orantes de l’Assomption.