Présence contemplative au cœur du monde
Rien n’est bon comme le détachement de soi-même, rien n’est déplorable comme la paresse spirituelle, j’en sais quelque chose---------Offrez-vous tous les matins et ne vous reprenez pas dans la journée---P. François Picard///////Il y a toujours à supporter, et tout le monde fait supporter. Il faut savoir se supporter mutuellement avec beaucoup de bonté, de patience, mais en même temps d'austérité de langage, avec l'affection des personnes données à Dieu---------- Je voudrai que pour nous prière et acte d’amour fussent synonymes----Mère Isabelle

Paul-Hélène, PSA, témoin de la tendresse de Dieu

Béatification à Oran (Algérie) de sœur Paul-Hélène psa, et les 18 autres martyrs assassinés en Algérie. Sœur Paul-Hélène de Gethsémani est entrée chez les PSA en 1952 après des études de physique et un début de vie professionnelle dans un laboratoire de recherche industrielle (4). En 1963, un an après l’indépendance du pays, elle est envoyée comme infirmière à Alger. Elle le restera jusqu’en 1984 avec un intermède de 10 ans au Maroc et en Tunisie. Elle vivait dans la Casbah et à Belcourt avec cinq autres sœurs et resta fidèle à son engagement jusqu’au bout.

On la considère généralement comme la « première » des martyrs d’Algérie, avant le frère Henri Vergès, dans la bibliothèque où ils travaillaient et où ils furent assassinés le 8 mai 1994, le jour même où le peuple d’Alger participait à une marche pour le dialogue et la réconciliation. En fait, on oublie souvent les dix autres Français (géomètre, ressortissants à la retraite, journaliste, libraire,…) tués depuis le début des affrontements en 1992. On ne peut s’empêcher de rapporter aussi l’immense impact de leur mort, en particulier sur les chrétiens d’Algérie, comme le constate Christian de Chergé :

« Un frère, une sœur ont été tués sur leur lieu de travail, au cœur de leur existence de tous les jours, dans la “tenue des serviteurs”, parmi ces jeunes du quartier qui cherchaient là les mêmes chances que d’autres, plus fortunés, d’accéder à la culture et à l’épanouissement de leurs capacités intellectuelles et humaines. Paul-Hélène et Henri étaient donc à leur place. Offerts sans défense. Ils se savaient vulnérables. Ils n’ignoraient pas la peur. Ils prouvaient simplement qu’elle peut être traversée de part en part, et donc dépassée, par l’urgence plus grande d’une disponibilité à l’autre. Tout a été rapide. Une seule balle pour chacun. En plein visage pour le frère. Il s’est affaissé en ramenant sur sa poitrine la main qu’il venait de tendre au meurtrier ; il achevait ainsi le geste d’accueil tel qu’il se pratique ici, comme pour mieux dire qu’il vient du cœur. La sœur a été frappée par derrière, à la nuque. Elle avait vu le frère s’écrouler. Elle a levé les bras dans un geste d’étonnement qui lui était familier ? Elle est morte étonnée, comme les enfants. Mort violente, certes, et pourtant mort si naturelle en apparence : “ils avaient l’air de dormir” dit un témoin. Aucune trace de souffrance ni de peur. “Chaque rencontre est celle de Dieu” disait Henri ».

Si Christian de Chergé se trompe sur le récit des événements – sœur Paul-Hélène est bien morte la première – il saisit tout de suite la portée spirituelle de ce drame. En fait, le travail ne manquait pas dans la bibliothèque. Sœur Paul-Hélène l’écrit à une correspondante le 18 novembre 1993 : « Je suis trois fois par semaine à l’accueil-orientation pour l’usage des fichiers-documentation et deux demi-journées pour un dépouillement des possibilités de la bibliothèque pour l’enrichissement des fichiers. Cette année, je me suis lancée dans l’exploitation des livres en arabe ! Nous rêvons d’informatiser mais l’informatisation en arabe pose des problèmes. Il y a un jeune jésuite qui, à ses moments libres, va s’atteler au problème. J’aimerais qu’il réussisse. Tu vois que, même en vieillissant, je rêve encore de nouveauté ». En fait, la tâche est bien plus qu’un travail purement technique, comme elle l’écrit à l’une de ses sœurs en 1993 : « À la bibliothèque, toujours beaucoup de monde, je devrais dire beaucoup de filles ; et comme elles ont pris l’habitude de venir me demander des renseignements pour trouver de la documentation en tout genre, mon travail est de plus en plus intéressant ».

De cette vie entièrement donnée à Dieu et à l’Algérie, nous voudrions livrer quelques éléments de l’évolution spirituelle, essentiellement d’après ses Carnets. Lors de ses funérailles a été retenue d’elle sa « profession de foi » faite lors du chapitre de sa communauté en septembre 1992 : « Nous croyons que tous les hommes sont habités par l’Esprit qui les conduit de l’intérieur même de leur tradition religieuse vers leur vocation de Fils de Dieu. Appelées à demeurer dans cette “maison de l’islam”, nous sommes conscientes de la précarité de notre mission et par là même de la richesse du don que Dieu nous fait ». Dans son article, Frédéric Mounier, journaliste à La Croix en avait extrait lors de l’article sur son assassinat cette prière prémonitoire : « Que la faiblesse et la folie de notre petit nombre et de notre vieillissement soit lieu d’accueil et de puissance de l’Esprit de Dieu, pour que nos vies livrées fassent signe là où notre témoignage s’exerce le plus souvent dans le silence ».

Pareille maturation n’aurait pas été possible sans un solide enracinement dans le charisme de l’Assomption, privilégiant ce type de présence désintéressée, aussi bien dans le Maghreb que dans les quartiers populaires en France. Mais on ne saurait trop montrer que la « force faible » de cette Petite sœur de l’Assomption s’enracine aussi dans un tempérament bien trempé et une profonde quête du Christ dont témoignent ses Carnets. Ceux-ci, au nombre de quatre, de petit format, donnent d’apprécier l’évolution spirituelle de cette religieuse. Mais établissons d’abord son solide parcours antérieur. Sœur Paul-Hélène, témoin dé la tendresse dé Dieu en Algérie

Journal La Croix, Urbi&Orbi

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