« Qui nous roulera la pierre » c’est la question que se posaient les femmes en route vers le tombeau de Jésus au matin de Pâques.
« Qui nous roulera la pierre ? » se demandaient les femmes à l’aube de Pâques. Nous dressons des pierres pour nos morts, des pierres-abris pour eux, pierres-séparations pour les survivants. Des pierres qui inscrivent dans l’espace la distance creusée par la mort, l’absence, le silence. Nos parcours sont jalonnés de ces pierres, de plus en plus d’amitiés ou d’amours perdus au fil de notre vieillissement. Qui nous roulera la mort ?
Il est des pierres dressées et scellées de mains d’hommes, pierres-remparts. pierres-murs, qui écrasent, enferment, pétrifient la volonté et paralysent le courage. Et des pierres-projectiles qui atteignent autrui, blessent, détruisent. Et des pierres charriées par la vie, de plus en plus d’alluvions de souffrance, de deuils, d’échecs, qui engloutissent l’espoir et noient l’avenir. Qui nous roulera le désespoir ?
blessent, détruisent. Et des pierres charriées par la vie, de plus en plus d’alluvions de souffrance, de deuils, d’échecs, qui engloutissent l’espoir et noient l’avenir. Qui nous roulera le désespoir ?
Il nous arrive de devenir pierre à notre tour, pierre-boule, intouchable, pierre-mousse, incognito, qui s’installe à demeure et se couvre de terre, pour éviter d’être roulée par d’autres. Pierre immobile et indifférente aux autres, pierre végétative sans autre désir que celui de ne pas souffrir ou de ne pas manquer. Qui nous roulera la mort ?
La mort roulée par la résurrection
Au matin de Pâques, l’inconcevable se fait jour : la pierre n’a pas rempli son office, elle n’a pas retenu le mort. Le mort s’est relevé. La pierre est roulée. La mort est roulée par la résurrection.
La mort est roulée, mais nos yeux peinent à le voir, et nos coeurs incrédules restent figés. Les disciples au matin de Pâques ont eu le bonheur de rencontrer le Vivant. Pour nous, il ne reste que la pierre roulée comme fragile et ambigu témoignage que l’impossible n’existe pas. Avec, parfois, l’impression fugitive d’avoir rencontré le Vivant et d’avoir vu roulées des pierres que l’on disait immuables…
La mort est roulée, et pourtant subsiste la petite, dernière ennemie, qui distille le doute et les angoisses. Jésus a vaincu la mort. Vaincra-t-il notre peur ? Qui nous roulera la peur?
Elisabeth Parmentier – Pasteur dans l’Eglise luthérienne, maître de conférence à la faculté de théologie protestante de Strasbourg, Publié dans La Croix, le 23 février 2016.