Un des meilleurs endroits pour prier est l’intériorité de Jésus, symbolisée par son Cœur. Tel est l’enseignement de la plus grande missionnaire du Sacré Cœur, Marguerite-Marie Alacoque
Parce que certaines expériences spirituelles sont difficilement compréhensibles par ceux qui ne les vivent pas, les mystiques ont souvent eu recours à des images pour dire la présence agissante de Dieu en eux. La spiritualité du Cœur de Jésus n’échappe pas à cette nécessité. Voilà pourquoi sainte Marguerite-Marie Alacoque (1647-1690), la voyante de Paray-le-Monial, a dû recourir à plusieurs symboles pour décrire son expérience du Sacré-Cœur. Parmi ceux-ci, celui de l’ « oratoire privé » que la sainte a employé dans ses écrits.
Le Cœur de Jésus, un oratoire où il fait bon prier
Quand nous admirons un château, il n’est pas rare que notre regard soit attiré par un modeste bâtiment à l’écart, en bordure de la cour intérieure : la chapelle privée. Un chrétien ne peut manquer d’envier les châtelains de posséder un édifice religieux, aussi beau que discret, qui leur permet de prier quand ils le désirent, dans un cadre propice à l’élévation de l’esprit. Car la beauté d’une chapelle stimule l’oraison. Nous sommes des êtres charnels, aussi de belles peintures, des ogives gracieuses, un style gothique sans surcharges, ont-ils des influences heureuses sur notre esprit. Or, la spiritualité du Cœur de Jésus nous offre précisément cette chapelle privée où nous sommes en mesure de prier dans les meilleures conditions : le Cœur de Jésus lui-même !
Écoutons ce que disait Marguerite-Marie à ses novices du couvent où elle était religieuse visitandine : « Lorsque vous voudrez faire oraison, entrez dans ce sacré Cœur comme dans un oratoire où vous trouverez de quoi rendre à Dieu ce que vous lui devez, en offrant l’oraison de Notre-Seigneur pour suppléer aux défauts de la vôtre ; aimant Dieu par l’amour de ce divin Cœur, adorant par ses adorations, louant par ses louanges et opérant par ses opérations, et voulant par ses volontés » (Instructions aux novices).
La sainte assimile le Cœur de Jésus à un oratoire, comme à une chapelle privée. Cependant, cette comparaison va plus loin qu’une métaphore spatiale : car le Cœur de Jésus n’est pas seulement le lieu de notre prière mais surtout le sujet principal de celle-ci, celui par lequel et en lequel le croyant prie, adore, loue Dieu et veut ce qu’Il veut. Mais déjà, cette image de l’oratoire nous aide à comprendre de quoi il retourne dans la spiritualité du Sacré-Cœur.
Un oratoire retiré pour échapper aux tentations
De même qu’à l’intérieur d’une chapelle, à l’écart, l’esprit est porté à penser aux choses divines en délaissant celles de la terre, de même le Cœur de Jésus nous encourage à avancer en direction de Dieu. Là encore, Marguerite-Marie use de l’image de l’oratoire pour illustrer cette pensée à l’intention d’un correspondant : « Il ne faut plus répandre votre cœur au dehors, mais lui retrancher l’affection aux choses extérieures afin qu’il s’applique tout à aimer son Dieu résidant en lui-même. Choisissez le sacré Cœur pour votre oratoire sacré où vous ferez vos prières et oraisons afin qu’elles soient agréables à Dieu » (Lettre 69).
« Vous entrerez dans cet aimable Cœur comme voyageur dans un navire assuré, dont le pur amour est le pilote »
Ailleurs, elle compare le Cœur de Jésus à une fournaise ardente qui nous purifie comme l’or dans le creuset. Et comme la sainte n’est pas avare de comparaisons, afin de mieux faire saisir la force du Sacré Cœur, elle l’assimile également à un navire dans ses instructions aux novices : « Vous entrerez dans cet aimable Cœur comme voyageur dans un navire assuré, dont le pur amour est le pilote, qui vous conduira heureusement sur la mer orageuse de ce monde, vous préservant de ses écueils et tempêtes qui sont les suggestions de nos ennemis, les passions, notre amour-propre et vanité, l’attache que nous avons à notre propre volonté et jugement. »
À son tour, le chrétien devient une chapelle pour Jésus !
Cependant, cette image de l’oratoire privé est réversible parce qu’elle sert également à sainte Marguerite-Marie de comparaison pour notre propre cœur où Jésus viendra loger lui-même tout à son aise. À ce propos, voilà ce qu’elle écrit, toujours à l’intention des novices du couvent de la Visitation : « Vous ne lui pouvez donner de plus fortes marques d’amour que de le loger dans l’édifice qu’il s’est lui-même bâti, qui est votre cœur, duquel il faut chasser ces idoles que vous avez si longtemps adorées […]. Et après avoir chassé tous les ennemis du sacré Cœur de cette chapelle, vous la tapisserez de la pureté d’intention qui sera de faire tout pour lui plaire. » Ici, la métaphore de l’embellissement de la chapelle de notre intériorité concerne le bannissement de nos idoles chéries. Ainsi, les images ne sont jamais absentes des écrits de la mystique de Paray-le-Monial, comme elles sont également nombreuses chez saint Jean de la Croix et sainte Thérèse d’Avila.
Finalement, le Cœur de Jésus devient un oratoire pour nous comme le nôtre en est un également pour lui. Dans ces deux images d’oratoires où le Christ et son disciple sont tour à tour hôte invitant et hôte invité, se vérifient les propos de Jésus au sujet de l’Eucharistie comme inhabitation réciproque (le fait d’habiter l’un chez l’autre et réciproquement) du croyant et de sa personne : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi, je demeure en lui » (Jn 6, 56).