Les paraboles nous paraissent parfois étranges, elles nous surprennent : comment les comprendre ?
Entrons un peu plus au cœur des qui nous disent le mystère de Dieu présent et agissant. La parabole est un petit récit qui met en scène une action sous nos yeux : nous la voyons se dérouler et elle produit son effet sur celui qui écoute.
Des histoires de la vie quotidienne
Pour les auditeurs de Jésus, le langage des paraboles est tissé d’allusions à leur vie quotidienne. On peut presque dessiner à gros traits la silhouette de ceux qui écoutent le prophète de Galilée : les paraboles parlent par exemple du pasteur et de son troupeau, de l’achat d’un champ, d’un trésor caché ou du négoce des commerçants. La moisson et la vigne, les semailles et la récolte sont évoquées comme des moments Importants. Tout cela désigne un monde agricole, un univers de petits cultivateurs comme l’étaient les deux tiers de la population de l’Antiquité. Toujours dans le domaine économique et agricole, les histoires mises en scène parleront de gestion de domaine, de comptes à rendre et d’argent confié en dépôt. La maison, sa construction, sa solidité tiennent aussi une bonne place : on peut la cambrioler en creusant le mur pendant la nuit ou y accueillir tardivement des hôtes de passage; on y cherche une pièce d’argent perdue.
Une première caractéristique du langage des paraboles est de permettre à tous leurs lecteurs de rejoindre les premiers auditeurs de Jésus, dans leurs soucis et leurs proJets de tous les jours : bâtir un nouveau grenier pour entasser une bonne récolte, payer de manière juste les ouvriers qui travaillent au champ, etc. La fête non plus n’est pas exclue : grand mariage et invités de choix, salle préparée pour le festin, vêtement de fête, etc. Il s’agit du monde réel dans lequel nous vivons. Tel est le point de départ du langage sur la vie avec Dieu dont Jésus et les Évangélistes veulent nous entretenir.
Les paraboles disent l’action de Dieu
Le langage des paraboles n’est pas seulement développé pour nous enchanter ou refléter notre existence comme dans un miroir. L’histoire de la brebis perdue (Lc 15,2-7) nous parle du savoir faire du berger et nous fait comprendre l’attitude de Dieu, ou de Jésus qui en est le révélateur. Les paraboles sont un moyen employé par Jésus pour dire le mystère de l’action de Dieu, le mystère de son Royaume à l’œuvre dans le cœur des hommes. Mais de manière encore plus forte, c’est au travers des gestes mêmes et des paroles de Jésus que ce mystère se dit. Les paraboles ne font donc qu’expliciter par la parole la vie de Jésus, sa parole en actes.
Les paraboles des rabbins juifs
Nous pouvons au passage mentionner une différence fondamentale entre les paraboles des Évangiles et celles racontées par les rabbins dans la tradition juive. Le type de comparaison et les personnages mis en scène sont souvent les mêmes : il s’agit d’un roi parti en voyage, de deux frères en rivalité ou d’un voyageur qui cherche une auberge. Mais les paraboles rabbiniques sont toujours destinées à éclairer la Torah, l’Écriture. Dans les Évangiles, les paraboles ne sont jamais mises en relation avec un passage de l’Écriture à éclairer : ce sont les gestes de Jésus qui deviennent l’occasion de dire l’action de Dieu.
La parabole transforme son auditeur
Nous l’avons vu : tout l’art de la parabole consiste à bien rejoindre l’auditeur dans son expérience quotidienne. La femme qui retrouve une pièce d’argent n’est-elle pas dans la joie ? Tous ceux qui ont cherché quelque chose de précieux ne pourront qu’être d’accord ! Ils sont prêts alors à comprendre ce qui se passe au ciel : « Il y a de la joie chez les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit » (Lc 15,10). Mieux qu’un discours qui cherche à persuader, la parabole produit un changement de mentalité, ouvre à une autre vision du monde et de Dieu.
L’art du paradoxe
Partant de la réalité, la parabole ouvre à une autre dimension. Elle le fait en cultivant des situations un peu étranges, inhabituelles, paradoxales. Dans la parabole de l’enfant prodigue, par exemple, les personnages sont bien de chez nous. Mais l’attitude du père qui guette le retour de son fils pour l’accueillir avec tant de bonté semble vraiment étonnante et, pour tout dire, assez peu éducative ! Le récit a décroché de notre monde habituel, Il ouvre une possibilité nouvelle. De même le propriétaire qui paie au même prix une journée et une heure de travail dans sa vigne…
L’auditeur doit prendre position
Voilà donc l’auditeur de la parabole entraîné dans une histoire qui le conduit face à des comportements étranges : il lui faut se situer, révéler sa pensée, démasquer son propre intérêt. La situation étrange, le paradoxe développé par l’histoire agit comme un révélateur et oblige celui qui se laisse toucher à prendre position devant l’attitude de Jésus. La parabole produit donc un jugement, sans condamnation. C’est l’auditeur ou le lecteur qui se juge lui-même.
Peut-on classer les paraboles ?
Il est difficile de vouloir faire entrer des récits aussi vifs dans des cadres stricts, dans des classements étroits. Mais, d’ordinaire, on distingue cependant trois grandes catégories de paraboles :
• Les paraboles du Royaume : certaines en effet sont vraiment introduites par une formule pratiquement identique du genre : « il en est du Royaume des cieux… »
• Les paraboles de la miséricorde, plus particulièrement chez Luc, au chapitre 15.
• Les paraboles de jugement : elles disent le mystère du Royaume ici-bas, encore caché, mélangé au mal et à la violence et elles annoncent la victoire finale de Dieu sur ce mal et sur le mal en nous.
Histoire ou récit, et récit dans le récit, récit qui guérit. Les paraboles ne sont-elles pas précisément cela, des histoires capables d’enchanter, au sens fort, le croyant ? Si le kérygme ou la Bonne Nouvelle du Christ est éveil du Royaume et fait passer le croyant de la mort à la Vie, probablement la parabole emporte-t-elle sur ce chemin-là.