Présence contemplative au cœur du monde
Rien n’est bon comme le détachement de soi-même, rien n’est déplorable comme la paresse spirituelle, j’en sais quelque chose---------Offrez-vous tous les matins et ne vous reprenez pas dans la journée---P. François Picard///////Il y a toujours à supporter, et tout le monde fait supporter. Il faut savoir se supporter mutuellement avec beaucoup de bonté, de patience, mais en même temps d'austérité de langage, avec l'affection des personnes données à Dieu---------- Je voudrai que pour nous prière et acte d’amour fussent synonymes----Mère Isabelle

Aujourd’hui, la vie chrétienne peut-elle être facile ?

Puisque, dans la vie matérielle, on trouve des solutions pour tout rendre plus facile, ne pourrait-il pas en être de même dans la vie spirituelle ?

Être chrétien n’est pas facile. Les exigences du Seigneur ne sont pas toujours simples à suivre. Au sujet du mariage, de la vérité, de la vie en société, le Seigneur ne nous ménage pas. Il demande toujours plus d’efforts. Il attend beaucoup de ses disciples. La route du chrétien est parsemée de mystères de foi et de pratiques difficiles à s’expliquer, et encore plus à expliquer aux autres. Entreprendre de se mettre à la suite du Christ et continuer à le suivre demande une grande persévérance. 

Comment se fait-il qu’on ne puisse pas obtenir plus facilement des résultats sur le plan spirituel, alors qu’on y arrive ailleurs ? N’est-il pas un peu désuet de garder un christianisme si complexe alors qu’il existe des méthodes qui mettent à la portée du plus benêt l’usage des logiciels les plus compliqués ? Pourquoi ne pas en faire autant en matière de foi ? Et ne parlons pas de morale : n’est-il pas grand temps de vivre avec son temps ? Puisque tout est rendu facile, facilitons la vie chrétienne. La désaffection de beaucoup de gens à l’égard du christianisme ne vient-elle pas de l’effort qu’il y faut fournir ? 

Devons-nous maintenir la barre très haut ?

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Comment se plaindre ensuite si personne ne suit, ou presque ? Figurez-vous que ces idées sont moins modernes qu’il n’y paraît. À toutes les époques, il y avait des gens pour proposer des versions du christianisme plus faciles, une pratique de l’Évangile plus abordable et une vie chrétienne simplifiée. Il n’a jamais manqué de bonnes âmes pour proposer des raccourcis, un « christianisme sans effort ».

Le chrétien de notre temps, s’il est un peu réfléchi et s’il accepte d’entrer dans la logique du Seigneur, se rend bien compte que même si sa vie matérielle est plus facile, sa vie de foi, son espérance en la vie éternelle, sa pratique de la charité seront toujours terriblement exigeantes. 

Il ne s’agit pas tant de chercher la difficulté pour elle-même , que de passer par les inévitables chemins montants qui font accéder à la réelle union à Dieu. Dans la vie spirituelle, rien ne sera jamais obtenu en prenant une voie de facilité.

Le but n’est pas séparé de l’effort pour l’atteindre. Pour prendre une comparaison : en montagne, il y a plusieurs façons d’atteindre un sommet. On peut y accéder à pied en faisant l’effort de vaincre sa fatigue et les difficultés du chemin. On peut aussi y accéder par hélicoptère, en se faisant déposer au sommet. Aura-t-on atteint le même but ? Ceux qui sont arrivés à pied et ceux qui ont été déposés, ceux qui montent de la terre et ceux qui descendent du ciel, vivent-ils les mêmes expériences humaines et spirituelles ? 

Méfions-nous des raccourcis !

De toute façon, il n’y a pas d’hélicoptère pour se mettre en présence du Seigneur dans la prière. Il faudra toujours prendre la route, payer de sa personne, marcher dans la nuit de la foi, persévérer dans l’effort, supporter les épreuves, accepter les échecs, ne pas s’arrêter, se relever si l’on tombe, se faire aider par plus fort que soi, et aider à son tour plus faible que soi. Ceux qui proposent des vies spirituelles faciles sont soit des menteurs, soit des amateurs. Ceux qui proposent des raccourcis, des dispenses, des subterfuges ou des condensés, ne méritent pas qu’on leur fasse confiance. On ne devient pas chrétien en se jouant. 

Les étapes qui conduisent les adultes vers le baptême (le catéchuménat) sont nombreuses et demandent du temps. Non pour le plaisir d’accumuler les obstacles, ce qui pourrait paraître dissuasif, mais parce que c’est dans la nature des choses. Le Seigneur Jésus lui-même n’a pas facilité la route de ses premiers disciples. Il leur a dit clairement qu’ils devraient, comme lui, prendre leur croix et le suivre. Il leur a dit qu’ils devraient être serviteurs et non servis. Il ne leur a pas caché que, pour accéder à la résurrection, ils devraient passer par l’agonie, la passion et la mort. Ce n’est pas du jour au lendemain qu’on devient un homme de Dieu. Il y faut du temps. Il faut accepter des étapes, des progressions, des lenteurs, des moments de découragement, des échecs, des obscurités, des illusions… On ne cherche pas le difficile pour lui-même. Mais il est des difficultés qui font partie intégrante de la réalité spirituelle.

Pour rentrer dans le Royaume des Cieux, donnons de notre personne

Telle est notre situation. Nous vivons dans un monde qui a pour ambition de tout faciliter, et nous vivons une foi qui ne sera jamais facile. Certains nous rabâchent à satiété d’excellentes méthodes pour obtenir le meilleur résultat sans avoir à en payer le prix. Mais nous savons que nous n’entrerons pas dans l’intimité de Dieu sans payer de notre personne. 

Mais, après tout, n’est-ce pas un bel enjeu ? Ne fait-il pas appel à ce qu’il y a de meilleur en nous ? Ne serons-nous pas heureux, lorsque nous prendrons la place qui nous est réservée au banquet du Royaume, d’entendre le Seigneur nous dire : « Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton seigneur » (Mt 25, 21) ? Nous oublierons alors nos peines. Nous serons tout à la joie d’être nés dans l’effort. « La femme qui enfante est dans la peine parce que son heure est arrivée. Mais, quand l’enfant est né, elle ne se souvient plus de sa souffrance, tout heureuse qu’un être humain soit venu au monde » (Jn 16, 21). 

Alain Quilici, religieux dominicain dans Aleteia