
Bien tard, je t’ai aimée,
ô beauté si ancienne
et si nouvelle, bien tard,
je t’ai aimée !
Et voici que tu étais au-dedans,
et moi au-dehors,
et c’est là que je te cherchais,
et sur la grâce de ces choses
que tu as faites,
pauvre disgracié,
je me ruais !
Tu étais avec moi
et je n’étais pas avec toi ;
elles me retenaient loin de toi,
ces choses qui pourtant,
si elles n’existaient pas en toi,
n’existeraient pas !
Tu as appelé, tu as crié
et tu as brisé ma surdité ;
tu as brillé, tu as resplendi
et tu as dissipé ma cécité ;
tu as embaumé, j’ai respiré
et haletant j’aspire à toi ;
j’ai goûté, et j’ai faim et j’ai soif ;
tu m’as touché
et je me suis enflammé
pour ta paix.
Les Confessions 10, 27
« ô douceur qui ne trompe pas,
ô douceur de bonheur et de sécurité,
toi qui me rassembles de la dispersion,
où sans fruit je me suis éparpillé,
quand je me suis détourné de toi, l’Unique,
pour me perdre dans le multiple. »
.
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Ce que je sais, de toute la certitude de la conscience, Seigneur, c’est que je t’aime. Tu as touché mon cœur de ta parole, et à l’instant je t’aimai. Le ciel et la terre et tout ce qu’ils contiennent ne me disent-ils pas aussi de toutes parts qu’il faut que je t’aime ? Et ils ne cessent de le dire aux hommes.
Qu’aimé-je donc en t’aimant ? Ce n’est pas la beauté selon la dimension, ni la gloire selon le temps, ni l’éclat de cette lumière amie à nos yeux, ni les douces mélodies du chant, ni la suave odeur des fleurs et des parfums, ni la manne, ni le miel, ni les délices de la volupté. Ce n’est pas là ce que j’aime en aimant mon Dieu, et pourtant j’aime une lumière, une mélodie, une odeur, un aliment, une volupté, en aimant mon Dieu ; cette lumière, cette mélodie, cette odeur, cet aliment, cette volupté, suivant l’homme intérieur ; lumière, harmonie, senteur, saveur, amour de l’âme, qui défient les limites de l’étendue, et les mesures du temps, et le souffle des vents, et la dent de la faim, et le dégoût de la jouissance, Voilà ce que j’aime en aimant mon Dieu.
Confessions
Saint Augustin (354-430)